Aglaure fille de Cécrops

Aglaure
Jasper van der Lanen (vers 1620), Les Filles de Cécrops délivrent Érichthonios, huile sur cuivre, collection privée.
Biographie
Père
Mère
Fratrie
Enfant

Dans la mythologie grecque, Aglaure (ou Aglauros) (en grec ancien Ἄγλαυρος / Áglauros), dont le nom évoque le beau temps, est la fille d'Aglaure et de Cécrops, premier roi d'Athènes. Maîtresse d'Arès, elle a de ce dernier une fille, Alcippe. Elle a deux sœurs, Hersé (dont elle est jalouse selon Ovide) et Pandrose, et un frère, Érysichthon. Elle est, avec ses deux sœurs, prêtresse du plus ancien sanctuaire de l'Acropole d'Athènes, l'Érechthéion.

Légendes

La légende varie selon les sources et les versions.

Peter Paul Rubens, La découverte de l'enfant Érysichthon, env. 1615

Une version raconte qu'Athéna confie aux sœurs une corbeille mystérieuse, contenant le fils Érichthonios, conçu par la déesse avec Héphaïstos, avec interdiction de l’ouvrir. Dévorées par la curiosité, les sœurs l'ouvrent et découvrent à l'intérieur un monstre ou un enfant avec un serpent enroulé autour de son corps. Frappées de folie, elles se précipitent du haut de l'Acropole[1],[2].

D'autres versions indiquent que deux d’entre elles[3], ou encore qu’Aglaure est la seule à se précipiter du haut de l’Acropole par dévouement à son pays. Un oracle aurait révélé que seul son sacrifice pouvait sauver Athènes d'ennemis venus la détruire[2].

Aglaure dans les Métamorphoses d'Ovide

Mercure épris de la belle Hersé, gravure de Bernard Salomon publiée dans la Métamorphose d'Ovide figurée par Jean de Tournes en 1557.

Dans un extrait des Métamorphoses d'Ovide :

« Un jour, Hermès arriva au palais de son père, car il était amoureux d'Hersé. Après lui avoir demandé son identité et la raison de sa présence, Aglaure exigea de lui une rançon pour accepter cette union, gagnant par là-même la faveur de sa sœur et du dieu. Mais l'Envie, attisée par Athéna, répand la jalousie chez Aglaure. Elle décide d'empêcher Hermès de pénétrer dans la chambre de sa sœur, car il faut d'abord passer par la sienne pour y entrer, mais Hermès l'en empêche en la transformant en statue de pierre.»

Dans le deuxième livre des Métamorphoses d'Ovide, Aglaure, la fille de Cécrops, est donnée comme étant la mère d'Alcippe, née d'une liaison avec Arès et elle est mentionnée à deux reprises.

La première fois, elle est nommée par la corneille, autrefois l'oiseau favori de Pallas Athéna, qui donne au corbeau un avertissement sur le fait que même les meilleures intentions dans l'annonce d'une mauvaise nouvelle ne sont pas toujours récompensées. À cet égard, la corneille raconte l'épisode au cours duquel Athéna a confié le nouveau-né Érichthonios, aux trois filles de Cécrops, Aglaure, Hersé et Pandrose. L'enfant fut livré dans une corbeille fermée, avec interdiction de l'ouvrir, mais Aglaure, plus curieuse et plus audacieuse que les pieuses sœurs, désobéit. La corneille, témoin du fait, rapporte la nouvelle à Athéna, qui avec regret chasse la messagère - une attitude qui expliquerait pourquoi les corbeaux évitent l'acropole. Aglaure reste cependant impunie, puisqu'elle réapparaît dans une autre histoire, dans une série de contes sur Hermès[4].

En survolant Athènes, Hermès aperçoit Hersé lors des fêtes panathénaïques et tombe amoureux d'elle. Alors qu'Hermès s'apprête à lui rendre visite, Aglaure lui interdit l'accès à la maison en exigeant une récompense en or. Athéna devient alors furieuse de cette nouvelle offense et décide de punir la jeune fille. La déesse se rend donc chez le démon Inuidia (l'Envie) et lui demande de persécuter Aglaure.

Aglaure transformée en rocher par Mercure, gravure de Sébastien Leclerc publiée dans les Métamorphoses d'Ovide en rondeaux en 1676.
Aglaure transformée en rocher par Mercure, gravure de Sébastien Leclerc publiée dans les Métamorphoses d'Ovide en rondeaux en 1676.

Dans un passage des Métamorphoses, Livre II (752-832) :

« Verse tes poisons dans l'âme d'une des filles de Cécrops ; Aglauros est son nom. C'est tout ce que j'exige de toi »[5]

Aglaure, sous l'emprise de l'Envie, devient jalouse de sa sœur. Elle se permet de défier le Hermès en lui refusant l'accès à la demeure, en s'asseyant sur le seuil et en lui barrant la route, menaçant de résister. La femme est alors pétrifiée par le dieu.

Le philologue classique Hermann Fränkel caractérise la version ovidienne du mythe comme une légende d'ordre étiologique, qui vise à expliquer l'origine des statues monumentales archaïques assises[6].

Aglaure et Invidia

Pallas parlant à Inuidia, gravure de Bernard Salomon publiée dans la Métamorphose d'Ovide figurée par Jean de Tournes en 1557.
Pallas parlant à Inuidia, gravure de Bernard Salomon publiée dans la Métamorphose d'Ovide figurée par Jean de Tournes en 1557.

Dans le contexte ovidien, l'évolution de la légende d'Aglaure apparaît comme une réponse à la nécessité de trouver une victime appropriée pour Invidia qui, avec Fames, Fama et Somnus (la Faim, la Renommée et le Sommeil), représente l'une des personnifications caractéristiques de la métamorphose. Le concept du "regard interdit" lié à la légende d'Aglaure et son désir d'ouvrir la corbeille constituent un précédent au choix de lier sa figure à celle d'Invidia[4].

Cependant, le crime de la corbeille ne satisfaisait pas le lien avec le thème de l'Envie, d'où la nécessité de créer une nouvelle légende. Le lien traditionnel entre Hermès et Hersé fournit ainsi la base narrative, stimulant l'idée d'une rivalité et d'une jalousie entre les sœurs[4].

Finalement, pour la jeune fille, l'Envie n'est rien d'autre qu'une forme de folie, car l'obsession de l'envie conduit Aglaure à la folie suicidaire. Elle pénètre l'âme et le corps de la fille comme un poison - métaphore soulignée par Ovide dans sa description de la nature serpentine et vénéneuse de la figure de l'Envie. En cela, la légende ovidienne rappelle des formes plus anciennes de punition d'Aglaure, dans lesquelles la jeune fille était immédiatement tuée par le serpent d'Érichthonios ou tombait dans la folie sous son influence[4].

Sources

Annexes

Bibliographie

  • Violaine Sébillote Cuchet, « Aglauros, une héroïne à Athènes », dans Anna Caiozzo, Nathalie Ernoult, Femmes médiatrices et ambivalentes. Mythes et imaginaires, Paris, Armand Colin, coll. « Recherches », (lire en ligne [PDF]), p. 267-291.
  • Pierre Brulé, La Fille d’Athènes : La Religion des filles à Athènes à l’époque classique : mythes, cultes et société, Paris, Les Belles Lettres, , 455 p. (ISBN 978-2251603636, présentation en ligne)

Notes et références

  1. Pierre Commelin, Mythologie grecque et romaine, Pocket, , 516 p. (ISBN 2-266-06168-2), p. 292
  2. a et b Gilles Lambert et Roland Harari, Dictionnaire de la mythologie grecque et latine, Paris, Le Grand Livre du Mois, , 256 p. (ISBN 2-7028-3443-4), p. 22
  3. Vinciane Pirenne-Delforge, L’Aphrodite grecque : Contribution à l’étude de ses cultes et de sa personnalité dans le panthéon archaïque et classique, Liège, Centre international d'étude de la religion grecque, , 554 p. (lire en ligne) (revue Kernos - supplément no 4)
  4. a b c et d Walter Wimmel, « Aglauros in Ovids Metamorphosen », Hermes, vol. 90, no 3,‎ , p. 326–333 (ISSN 0018-0777, lire en ligne, consulté le )
  5. Ovide, Publius Ovidius Naso dit, Métamorphoses, vol. Livre II, Publié par Ernest et Paul Fièvre, (lire en ligne)
  6. Hermann Fränkel, Ovid: a poet between two worlds, University of California press, coll. « Sather classical lectures », (1re éd. 1945) (ISBN 978-0-520-36980-1)

Liens externes