Exposé des motifs

En droit français, l'exposé des motifs est la partie d'un projet de loi ou d'une proposition de loi, ou d'un acte réglementaire, qui indique « de manière simple et concise, les raisons pour lesquelles ce [texte est adopté/proposé], l'esprit dont il procède, les objectifs qu'il se fixe et les modifications qu'il apporte au droit existant. Il constitue l'un des éléments des travaux préparatoires, auquel le juge peut se référer en cas de doute sur les intentions du législateur (CE, 12 mars 1975, Sieur Bailly, Rec. p. 183)[1]. ».

Les équivalents de l'exposé des motifs pour les projets de décret et d'ordonnance[2] sont les rapports ou rapports de présentation.

L'exposé des motifs, au sens strict, ne doit donc pas être confondu avec la partie d'une décision administrative ou judiciaire, les motifs, qui justifie le dispositif[3].

Présentation

Les règles qui président à la rédaction et à la présentation de l'exposé des motifs sont aujourd'hui fixées par une circulaire du 1er juillet 2004 (non publiée au JO mais néanmoins disponible sur Légifrance, voir ci-dessous) (pour la liste des textes antérieurs, voir l'article sur ServiceDoc Info).

Le paragraphe 1.2 est consacré explicitement à l'exposé des motifs et au rapport de présentation.

L'exposé des motifs des projets de loi

  • L'exposé des motifs d'un projet de loi est généralement composé de deux parties : la première est consacrée à la présentation générale du texte, la seconde est consacrée à la présentation du texte article par article (ou, à défaut, d'une partie de la loi : titre ou chapitre par exemple).
  • Les projets de loi modifiant une loi codifiée doivent quant à eux, selon le paragraphe 2.1.1.3 de la circulaire du 1er juillet 2004, contenir un exposé des motifs particuliers pour chaque article. Cet exposé des motifs spécial a pour but d'expliquer "la portée des modifications ou des adjonctions introduites dans le code en vigueur" par la loi modificatrice.
  • Pour les projets de loi modifiant une loi antérieure, la circulaire du 1er juillet 2004 précise au § 1.2.1 que l'exposé des motifs de la loi modificatrice doit exposer clairement la nature et la portée des modifications.
  • Les 'projets de loi « portant dispositions diverses relatives à »' (dits « D.D.O. ») doivent selon la même circulaire de 2004 (paragraphe 2.3) faire l'objet d'un exposé des motifs dès la transmission du projet au secrétariat général du gouvernement, et ce article par article.

L'exposé des motifs des propositions de loi

Actualité à l'Assemblée Nationale http://www.assemblee-nationale.fr/14/propositions/pion0739.asp, visant à introduire cette pratique. cf http://lemondedudroit.fr/droit-a-secteur-public/administratif/171748-etude-dimpact-jointes-aux-propositions-de-lois-discutees-en-seance-publique-depot-a-lan.html

L'exposé des motifs des amendements législatifs du gouvernement

Le gouvernement dispose en vertu de l'article 44 de la Constitution du droit d'amendement sur tout projet ou proposition de loi débattu au Parlement. En conséquence, la circulaire du 1er juillet 2004 (paragraphe 5.1.7) prévoit un exposé des motifs dans ce cas, sauf à considérer que l'amendement se suffisant à lui-même, il n'y a pas lieu d'exposer des motifs.

L'exposé des motifs des ordonnances

L'ordonnance du 20 février 2004 relative aux modalités et effets de la publication des lois et de certains actes administratifs, modifiée par l'article 78 XIII de la loi no 2004-1343 du 9 décembre 2004, dispose dans son article 2 que les rapports de présentation des ordonnances sont systématiquements publiés.

L'exposé des motifs des ordonnances et décrets du président de la République

Le président de la République préside le Conseil des ministres (article 9 de la Constitution du 4 octobre 1958). La Constitution, dans son article 13 1er alinéa, prévoit également qu'il signe les ordonnances et les décrets délibérés en conseil des ministres (pour les premières, la Constitution à son article 38 alinéa 2 ajoute d'ailleurs explicitement qu'elles sont prises en conseil des ministres). La Constitution prévoit en outre qu'un certain nombre d'agents publics et de hauts fonctionnaires sont nommés en conseil des ministres par le chef de l'État (article 13, alinéas 2, 3 et 4). La circulaire du 1er juillet 2004 prévoit donc les formules de civilités des rapports présentés au chef de l'État et mentionne explicitement le fait que l'exposé des motifs dans ce cas n'est ni daté ni signé.

L'exposé des motifs des décrets et arrêtés du Premier ministre

  • La circulaire du 1er juillet 2004 prévoit que ces textes sont systématiquement précédés d'un exposé des motifs et précise son objet : but du texte et nature du dispositif créé, raisons des modifications de l'état du droit et régime des règles prises en ce sens, présentation des articles essentiels (avec un dispositif spécial pour les mesures nominatives).
  • La circulaire ajoute que "pour les textes comportant une incidence pratique sur la vie quotidienne des administrés", le rapport de présentation doit décrire précisément les mesures adoptées et les conditions à remplir pour que les administrés puissent bénéficier des mesures décidées, ce pour "permettre aux services d’information des ministères concernés d’assurer leur mission". Les rapports de présentation adressés au Premier ministre sont donc également destinés à servir de guide d'interprétation du texte aux différents départements ministériels concernés par ce dernier.
  • La publication de l'exposé des motifs n'est pas systématique. Elle est laissée dans le silence de la loi à l'appréciation du secrétariat général du gouvernement si le texte entraîne d'importantes modifications juridiques. Dans certains cas, la publication est imposée par des textes spéciaux (comme par exemple en matière de communication : articles 27 et 48 de la loi 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication).
  • Comme pour le chef de l'État, la circulaire prévoit les formules de civilités des rapports présentés au Premier ministre et mentionne explicitement là encore le fait que l'exposé des motifs n'est ni daté ni signé.

Évolution

Une circulaire du 26 janvier 1998 (voir ci-dessous), qui rendait obligatoire une étude d'impact pour les projets de loi et de décrets réglementaires en Conseil d'État à partir du 1er février 1998, recommandait de réduire le contenu de l'exposé des motifs en proportion. Mais cette circulaire, n'ayant pas eu les effets escomptés, n'a pas entraîné de modifications importantes des exposés des motifs de ces lois et décrets. Les circulaires des 26 août et 30 septembre 2003 (voir ci-dessous) ont d'ailleurs prévu une étude d'impact au cas par cas.

Une proposition de loi constitutionnelle visant à modifier l'article 39 de la Constitution a été déposée au Sénat le 4 mai 2006 et publiée sur le site du Sénat le 10 mai 2006, accompagnée d'une proposition de loi organique du même jour visant à préciser les règles relatives au dépôt des projets de loi et à la procédure législative ; ces propositions ambitionnent d'obliger le pouvoir exécutif à réaliser une étude d'impact pour tout projet de loi.

Le gouvernement quant à lui avait dans une communication en conseil des ministres du 27 juillet 2005, par le ministre délégué au Budget et à la Réforme de l’État, porte-parole du gouvernement, et relative à la réforme de l'État, indiqué que le secrétariat général du gouvernement était mandaté pour développer les études d’impact.

Le 26 juillet 2006, le premier ministre est à nouveau intervenu sur le sujet dans une communication en conseil des ministres, relative cette fois à l'application des lois. À cette occasion, il a en effet demandé aux ministres d’accompagner systématiquement leurs avant-projets de loi d’une étude d’impact.

Conséquences

L'exposé des motifs n'est pas en tant que tel soumis à la discussion du Parlement lors de la procédure législative, que ce soit pour un projet de loi ou une proposition de loi. Il est par contre de plus en plus une source des obligations (au moins théorique) pour le gouvernement. Le juge y a recours, de manière peut-être plus déterminante, pour interpréter la loi et, plus généralement, dégager le sens à donner à une règle de droit qui en découle.

Sur la normativité de la loi

La circulaire du 1er juillet 2004 rappelle dans son paragraphe 2.1.1.1 que les lois n'ont pas pour objet de contenir dans leur dispositif "[l]es raisons pour lesquelles elles sont soumises au Parlement, l’esprit dont elles procèdent, les objectifs qu’elles se fixent". C'est au contraire précisément le but qui doit être rempli par leur exposé des motifs.

Sur la qualité de la réglementation

Du point de vue de la légistique, la circulaire du 30 septembre 2003 relative à la qualité de la réglementation prévoit qu'à compter du mois de mars 2004, l'exposé des motifs indique « les mesures prises, lors de la préparation du texte, en application de la charte de qualité » et doit faire apparaître « la nature des consultations réalisées (consultation du public, des organismes professionnels du secteur, des collectivités territoriales, des services chargés de l'application ou du contrôle de la réglementation) ».

Sur l'interprétation de la règle de droit

Du point de vue du contentieux, le juge a recours à l'exposé des motifs quand il doit interpréter la loi ou préciser la règle de droit qui découle de la loi. Le Conseil d'État classe l'exposé des motifs dans l'expression plus générale "travaux préparatoires" ou "travaux parlementaires".

Où trouver les exposés des motifs ?

Pour les projets de loi

Un projet de loi, une fois adopté par le conseil des ministres, est déposé sur le bureau de l'une des deux assemblées du Parlement. Il est alors publié sur Légifrance, onglet "Actualité juridique", rubrique "Dossiers Législatifs", sous-rubrique "Projets de loi". Il suffit ensuite de cliquer sur l'intitulé de la loi voulue, et de cliquer sur le lien Exposé des motifs.

L'assemblée parlementaire publie également l'exposé des motifs du projet de loi dont elle est saisie en première lecture. L'exposé des motifs est compris dans le texte même du projet de loi (voyez par exemple l'exposé des motifs du projet de loi constitutionnelle n°3004 complétant l'article 77 de la constitution déposé le 29 mars 2006 à l'Assemblée nationale et distribué le 3 avril suivant).

Pour les propositions de loi

Les propositions de loi déposées par les députés et sénateurs sont systématiquement publiées sur les sites des assemblées parlementaires avec l'exposé des motifs.

  • Pour l'Assemblée nationale, voyez la rubrique "Documents parlementaires puis la sous-rubrique "Propositions de loi". Il faut cliquer sur le "dossier" qui renvoie vers une page proposant un lien vers le texte de la proposition qui contient l'exposé des motifs, ou bien cliquer sur le numéro de la proposition de loi qui renvoie directement vers ce même texte.

Voir aussi

Articles connexes

Sources officielles

  • Circulairedu 1er juillet 2004 relative aux règles d’élaboration, de signature et de publication des textes au Journal officiel et à la mise en œuvre de procédures particulières incombant au Premier ministre, non publiée au JO.
  • Circulaire du 30 septembre 2003 relative à la qualité de la réglementation, JO 228, 2 octobre 2003, p. 16824, texte no 1
  • Circulaire du 26 août 2003 relative à la maîtrise de l'inflation normative et à l'amélioration de la qualité de la réglementation, JO 199, 29 août 2003, p. 14720, texte no 1
  • Circulaire du 26 janvier 1998 relative à l'étude d'impact des projets de loi et de décret en Conseil d'État, JO 31, 6 février 1998, p. 1912
  • Circulaire du 30 mai 1996 relative à la codification des textes législatifs et réglementaires, JO 129, 5 juin 1996, p. 8263, spécialement § 1.2.4
  • Circulaire du 26 juillet 1995 relative à la préparation et à la mise en œuvre de la réforme de l'État et des services publics, JO 174, 28 juillet 1995, p. 11217, spécialement § 3.3

Liens

Ouvrages de référence

Notes

  1. Dila, Guide de légistique, Paris, la Documentation française, (lire en ligne), III. Rédaction des textes, « 3.1.1. Exposé des motifs d'un projet de loi ».
  2. Relativement à l'ordonnance du 9 août 1944 sur le rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental, le Conseil d'État a dans une décision CFDT du 14 octobre 1996 (requête 156681, au Rec. C.E.) utilisé l'expression "exposé des motifs" : "Considérant qu'il ressort de ces dispositions, telles qu'éclairées par l'exposé des motifs de l'ordonnance, que le Gouvernement provisoire de la République française a ainsi entendu mener à bonne fin, dans le plus court délai possible, la révision générale des actes de l'autorité de fait se disant "Gouvernement de l'État français", entraînant d'une manière définitive la cessation des effets de ceux qui seraient annulés et la validation de ceux qui seraient maintenus ;".
  3. Et ce même si le juge lui-même qualifie parfois ces "motifs" d' "exposé des motifs", comme le fait par exemple le Conseil d'État dans sa décision ADEIC et a. du 15 octobre 2003 (requête 240645, au Rec. C.E.) et relative à la décision n° 01-691 de l'Autorité de régulation des télécommunications du 18 juillet 2001 précisant les conditions et les délais de mise en œuvre de la sélection du transporteur pour les appels locaux internes aux zones locales de tri : "Considérant que ces dispositions, éclairées par l'exposé des motifs qui précise les options entre lesquelles l'Autorité de régulation des télécommunications a été conduite à choisir après une phase de concertation (...)".