Mohammad Taraki

Nour Mohammad Taraki
نور محمد ترکۍ
Illustration.
Fonctions
Président du Conseil révolutionnaire de la république démocratique d'Afghanistan
(chef de l'État)

(10 mois et 25 jours)
Président du Conseil Lui-même
Hafizullah Amin
Prédécesseur Abdul Qadir Dagarwal
(président du Conseil militaire)
Successeur Hafizullah Amin
Secrétaire général du comité central du Parti démocratique populaire d'Afghanistan

(14 ans, 8 mois et 13 jours)
Prédécesseur Fonction créée
Successeur Hafizullah Amin
Président du Conseil des ministres d'Afghanistan

(10 mois et 26 jours)
Président Lui-même
Prédécesseur Mohammad Musa Shafiq (Premier ministre)
Successeur Hafizullah Amin
Biographie
Nom de naissance Nour Mohammad Taraki
Date de naissance
Lieu de naissance Ghazni (Afghanistan)
Date de décès (à 62 ans)
Lieu de décès Kaboul (Afghanistan)
Nationalité afghane
Diplômé de Université de Kaboul
Profession Journaliste
Religion Athée

Nour Mohammad Taraki
Présidents du Conseil des ministres d'Afghanistan
Chefs d'État afghans

Nour Mohammad Taraki, né le à Ghazni et mort le [1] à Kaboul, est un homme d'État afghan, président du Conseil révolutionnaire de la république démocratique d'Afghanistan du au .

Issu d'une famille pauvre de paysans pachtounes, il dirige le parti démocratique populaire d'Afghanistan (PDPA), puis son aile gauche, le Khalq, avant de prendre le pouvoir lors de la révolution de Saur d'avril 1978. Taraki tente de mettre en place un régime marxiste mais doit faire face à l'insurrection islamiste des moudjahidines, avant d'être assassiné par son premier ministre, Hafizoullah Amin, qui entraîne l'invasion de l'Afghanistan par l'union soviétique à la fin de 1979.

Biographie

Jeunesse

Nour Mohammad Taraki est né le 14 juillet 1917 dans la province de Ghazni, dans une famille d'éleveurs pachtounes semi-nomades très pauvres, qui consacrent leurs maigres ressources pour permettre à leur fils d'apprendre à lire et à écrire, une exception dans l'Afghanistan des années 1920. Au début des années 1930, il se rend à Mumbai en Inde, où il fait la connaissance de Khan Abdul Ghafar Khan, et fréquente des membres du parti communiste indien qui l'initient à la pensée marxiste. De retour en Afghanistan, il étudie à l'université de Kaboul avant de commencer une carrière de journaliste. Il est impliqué dans les mouvements réformistes et progressistes des années fin 1940 au début des années 1950, avant d'être de facto exilé en 1953 en étant nommé attaché de presse à l'ambassade afghane à Washington. Il se rend par la suite en URSS, où il est recruté par le KGB, avant de retourner dans son pays en 1956, au moment où l'URSS se rapproche de l'Afghanistan.

Remarqué pour ses qualités de polyglotte (il parle couramment pachtoune, dari, ourdou, anglais et russe), il se lance dans une carrière d'interprète, en étant cependant persécuté par le gouvernement (contrôlé par le prince Daoud Khan), qui l'empêche d'exercer un emploi stable. Il est brièvement employé comme interprète par l'ambassade américaine à Kaboul, où il se livre vraisemblablement à des opérations d'espionnage au profit des soviétiques. Parallèlement à sa profession d'interprète, il se fait écrivain et poète, ses œuvres lui apportant une certaine renommée. Son style, simple et accessible pour toute une jeunesse attirée par la modernité et les idées socialistes ; et les thèmes qu'il développe, à savoir la rude vie des paysans afghans et son espoir de voir advenir un monde meilleur, lui valent le surnom du «Maxime Gorki afghan»[2].

Débuts en politique

Plus tard, au milieu des années 1960, alors que le roi Zaher Shah ouvre une période de semi-démocratie, il se lance dans la constitution du premier vrai parti communiste afghan : le Parti démocratique populaire d'Afghanistan (PDPA), dont il est élu secrétaire général lors de son congrès fondateur du 1er janvier 1965.

Le PDPA explose vite en deux groupes, avec d'un côté le Khalq (« Le peuple » ou « Les masses »), et de l'autre le Parcham (« Le drapeau ») : Les membres du Khalq souhaitent la création d'un parti révolutionnaire d'avant-garde marxiste-léniniste, quoique ayants un attrait certain pour le nationalisme et l'irrédentiste pachtoune. Ce sont pour la plupart des pachtounes d'origines rurales et modestes. En revanche, le Parcham est composé surtout de persans (daris ou tadjiks) issus de la bourgeoisie urbaine, et ayant une approche réformiste, donc souhaitant collaborer directement avec le gouvernement royal. L'intense rivalité que se vouent Hafizoullah Amin (un des principaux alliés de Taraki) et Babrak Karmal (le leader du Parcham), a également largement contribué à l'éclatement du parti.

Les deux partis vont évoluer séparément pendant dix années, chacun entretenant des relations étroites avec les soviétiques. Taraki place délibérément le parti à la marge de la vie politique afghane, recrutant surtout des instituteurs et des officiers, et augmentant peu à peu la force du Khalq jusqu'à atteindre plusieurs milliers de membres. Les relations étroites que l'URSS entretien avec l'Afghanistan, formant nombre de ses cadres et officiers, facilite la pénétration de l'armée par le Khalq, en particulier à partir de 1973, suite aux désillusions de nombres de militaires à l'égard du régime républicain de Daoud Khan et de ses alliés du Parcham[3]. La figure d'Hafizoullah Amin, chargé de l'implantation du parti dans les forces armées, s'impose durant cette période comme celle de l'homme fort du parti. Amin sera souvent dépeint comme le « meilleur disciple » de Taraki, mais certains proéminents dirigeants khalqis tels qu'Abdelkrim Missaq ont affirmé que les deux hommes entretenaient des relations plus complexes. Dès 1976, alors que le parti commence à disposer d'une base conséquente dans les forces armées, Amin commence à réfléchir à un potentiel coup d'État, mais Taraki juge le khalq encore trop faible pour prendre le pouvoir et remet ces plans à plus tard[4].

Révolution de Saur

Militants et sympathisants du PDPA après la révolution de Saur.

La politique de plus en plus autoritaire et répressive de Daoud Khan oblige le Khalq et le Parcham à se réunifier durant l'été 1977. Quelques mois plus tard, le 17 avril 1978, l'un des chefs de la tendance parchamiste du parti, Mir Akhbar Khyber, est assassiné, vraisemblablement à l'instigation du gouvernement. Une importante manifestation en sa mémoire rassemblant 30 000 personnes et durant laquelle le parti démontre sa force est organisée. Daoud prend peur et ordonne la dissolution du PDPA et l'arrestation de ses dirigeants : Taraki est brièvement emprisonné dans la prison de Pul-e-Charkhi ; cependant que les officiers sympathisants envers le PDPA, craignant d'êtres arrêtés à leur tour et agissant sur les consignes d'Amin, organisent un coup d'État au matin du 27 avril 1978 ; coup d'État qui sera appelé « Révolution de Saur » selon le nom en dari du mois d'avril-mai dans calendrier persan. Il s'en est fallu de peu car Daoud envisageait de faire condamner à mort et exécuter Taraki et les autres communistes prisonniers à très court terme. Le coup d'État fait près de 3 000 morts et se termine le 28 avril, avec la prise complète de Kaboul par les insurgés, et par l'assassinat de Daoud Khan et de sa famille[3].

Le pouvoir échoit aux civils du PDPA, qui proclament l'avènement de la république démocratique d'Afghanistan le 30 avril. Nour Mohammad Taraki devient le premier président du conseil révolutionnaire, avec Babrak Karmal comme vice-président, ainsi qu'Hafizoullah Amin comme premier ministre. Le régime annonce qu'il sera gouverné par décrets, comme le faisait Daoud, donc sans convoquer de parlement[2].

Au pouvoir

Nour Mohammad Taraki apparaissant dans un journal de l'époque.

À peine la révolution achevée, les tensions apparaissent entre les deux tendances du PDPA. Un premier gouvernement de coalition équilibrant également le pouvoir entre le khalq et le parcham est mis en place, mais cette parité ne correspond pas à la réalité effective de l'équilibre des forces au sein du parti, les khalqis étant majoritaires à 3 contre 2 environ. Par ailleurs, une grande partie des khalqis sont des millitaires, ce qui leur donne un avantage certain face aux parchamis, qui souhaitent quant à eux partager le pouvoir avec d'autres partis non communistes. Dès juillet 1978, profitant de sa supériorité numérique, Taraki exile de facto Babrak Karmal, Anahita Ratebzad, Nour Ahmad Nour, Mohammad Najibullah et d'autres chefs parchamis en les nommant ambassadeurs, laissant la tendance du parcham sans leadership. Les autres dirigeants parchamis restés sur place (Sultan Ali Keshtmand, Abdul Qadir, Mohammad Rafee) sont arrêtés à la fin de l'été après avoir étés accusés de préparer un nouveau putsch[5].

Désormais seul au pouvoir, le khalq lance d'ambitieuses et radicales réformes communistes : Le 12 juin, le drapeau traditionnel afghan, noir vert et rouge et remplacé par un drapeau rouge orné du mot « Khalq », symbole incompréhensible pour la population. Le gouvernement initie entre autres une ambitieuse campagne d'alphabétisation, en particulier des femmes, ce qui scandalise les élites religieuses et la population rurale conservatrice sous leur influence. Pareillement, Taraki lance une grande réforme agraire, faisant redistribuer des terres aux paysans pauvres, ce qui déstabilise l'agriculture nationale afghane et ses structures traditionnelles. Il entreprend une politique étrangère agressive vis-à-vis du Pakistan, ravivant les revendications irrédentistes pachtounes remettant en cause les frontières prévues par la ligne Durand, se rapproche de l'URSS, et développe son culte de la personnalité.

Nour Mohammad Taraki, avec à sa droite, Léonid Brejnev, secrétaire général du PCUS, et à sa gauche, Andreï Gromyko, ministre des affaires étrangères de l'URSS.

Le refus de Taraki de partager le pouvoir avec les autres partis rend le pays extrêmement difficile à gouverner, les khalqis n'étant que quelques milliers. Le gouvernement essaye de surcroît d'imposer ses réformes par la force, ce qui entraîne un cercle vicieux, la population se soulevant, et le gouvernement la réprimant, la violence engendrant encore plus de violence. La population, poussée par les chefs féodaux et religieux, s'insurge et s'organise en une multitude de groupes islamistes anti-gouvernementaux, les moudjahidines (ou « guerriers saints »), qui reçoivent l'aide du Pakistan, de l'Iran, de l'Arabie Saoudite et des États-Unis[6].

Pendant les 18 mois de sa présidence, les Soviétiques vont appuyer Taraki contre Amin, jugé trop radical. Les deux hommes au départ assez proches finissent par éprouver une véritable haine l'un envers l'autre. À l'été 1979, Taraki ne contrôle plus de fait l'essentiel du pays et commence à demander aux soviétiques d'intervenir militairement. Il réalise la nécessité de se réconcilier avec le parcham, de réhabiliter Babrak Karmal et de revenir sur certaines réformes, en particulier la réforme agraire. Mais Taraki, vieillissant et à la santé déclinante n'est déjà plus vraiment aux commandes, et c'est bien Hafizoullah Amin qui s'impose comme l'homme fort du régime, Taraki ne pouvant compter que sur quelques officiers comme Aslam Watanjar[6].

Assassinat

Le , Taraki tente de faire assassiner Amin, qui le fait finalement arrêter, emprisonner, puis secrètement exécuter. Il est annoncé par la suite que Taraki a démissionné de son poste pour « raison de santé », son décès n'étant discrètement annoncé que le 9 octobre, officiellement des suites d'une « grave maladie »[7]. Comme la disparition soudaine de Taraki va à l’encontre des plans soviétiques, Moscou décide donc d'envahir l'Afghanistan le et de placer au pouvoir Babrak Karmal, plus sûr selon le KGB[8].

Notes et références

  1. Selon la version officielle du gouvernement afghan.
  2. a et b (en) Beverley Male, Revolutionary Afghanistan, 194 p., p.12-23.
  3. a et b (en) Anthony Arnold, Afghanistan’s Two-Party Communism : Parcham and Khalq, Hoover Institution Press, , 263 p., p.15-19
  4. (prs) Ferdows Kavosh, « Abdelkrim Missaq »
  5. Male, 1983, p. 64-78
  6. a et b Male, 1983, p. 79-99.
  7. (en) « Telegram From the Embassy in Afghanistan to the Department of State », sur history.state.gov
  8. « Le guêpier afghan » dans Historia n°757, janvier 2010, pages 8 et 9

Liens externes