Plan Calcul

Le plan Calcul était un plan gouvernemental français lancé en 1966 par le président de la République Charles de Gaulle sur l'impulsion de Michel Debré et d'un groupe de hauts fonctionnaires et d'industriels, destiné à assurer l'autonomie du pays dans les technologies informatiques, et à développer une informatique française et internationale dans le cadre de Multinational Data puis Unidata, dotée de sa propre puissance de calcul.

L'idée émerge dès la fin 1963 lorsque des statistiques révèlent que la France a trente fois moins de calculateurs que les USA[1], malgré l'explosion des besoins d'automatisation industrielle créés par un programme nucléaire français qui démarre son industrialisation, tandis que monte ensuite la prise de conscience des risques sur les barrages hydrauliques avec les procès qui ont suivi deux catastrophes meurtrières rapprochées, celle de 1959 à Malpasset (423 morts) et celle de Vajont en 1963 (près de 2000 morts).

Un rapport de François-Xavier Ortoli, en précise que les objectifs du plan sont de développer une industrie informatique nationale et d'en faire un élément d'une future industrie informatique européenne[2], complété par la création de l'IRIA, grand organisme public de recherche et d'une grande compagnie d'informatique privée : la Compagnie internationale pour l'informatique (CII), placée au centre d'Unidata, l'"Airbus de l'informatique".

Les industriels, consultés de 1964 à 1966, sont divisés et pour certains réservés. Certaines administrations aussi, comme les PTT et les Finances. Mais c'est l'intérêt général qui est mis en avant: "à ce jour, l'industrie étrangère du calcul, favorisée à la fois par la dimension de ses entreprises et par d'énormes programmes publics, a pris une position dominante sur le marché mondial . Disposant d'un triple atout : avance technique considérable, réseau commercial présent partout, et moyens financiers très puissants, elle paraît en mesure d'empêcher toute création d'une industrie concurrente par des entreprises livrées à leurs seules forces ... Il est donc nécessaire que l'État apporte son aide", tranche le général De Gaulle[3].

L'idée séduit dans les universités et les entreprises, à une époque, où chez les chercheurs; ingénieurs et techniciens, "le manque de capacité des ordinateurs et de moyens humains de développement interrompait de nombreux projets avant qu’ils soient effectivement appliqués"[4], selon Marion Créhange, pionnière de l'informatique à l'université de Nancy, qui avait décroché l'une des premières thèses en informatique en France en 1961 et travaillait au développpement des bases de données scientifiques[4].

Origine et objectifs

Solution aux séquelles de l'affaire Bull

L'origine du plan Calcul est l'affaire Bull : Bull, seul constructeur français d'ordinateurs[2] est profondément affaibli depuis le début des années 1960 sur un marché informatique français lui-même en retard.

Une affaire de logiciel d'exploitation négligé

La montée en puissance technologique par le nouvel ordinateur Gamma 60 de Bull, qui permet d’effectuer des travaux simultanés à la fois en calcul et en entrées/sorties, grâce à un fonctionnement multi-tâches", via "une mémoire rapide centrale"[5] a pour faiblesse l'absence d'un réel système d'exploitation permettant de gérer ces avantages[6], la machine ayant été commercialisé trop vite pour surfer sur la vague boursière. Et pour inconvénient un "très grand nombre" de composants "encombrants et gourmands en énergie", nécessitant beaucoup d'embauches chez les clients comme le constructeur, situation aux antipodes de Gamma-3, plus économes dont Bull venait de vendre "1200 exemplaires en 10 ans".

Seulement une vingtaine Gamma 60 sont vendus par Bull et EDF, mécontent, renvoie le sien[7] dès 1960 pour le remplacer par un IBM, ce qui est aussi le cas de six autres clients, tandis que chez son partenaire et opérateur précédent du programme nucléaire français, le Commissariat à l'Energie atomique, la déception n'est "pas sans rappeler la fâcheuse expérience" vécue avec un IBM 7090 installé début 1961 dans un nouveau bâtiment dédié à Saclay[6].

L'effondrement de 1963-1964 a selon l'historien Pierre-Éric Mounier-Kuhn été causé par "une crise de croissance", des méthodes de gestion "archaïques" et centrées sur la rentabilité financière, mais surtout sur "l'absence d'une gestion adaptée de la recherche" technique, pendant la période d'innovations de 1956-1960[8], alors que son profil d'affaires restait en principe adapté à cette mutation. La carte perforée conserve en effet un gros marché "jusqu'aux années 1970"[8], et Bull a de toutes façons, selon lui "magistralement réussi" la conversion de la mécanique à l'électronique avec son Gamma 3[8]. Le groupe français a par contre négligé "le passage du tableau de connexions au logiciel", permettant une dématérialisation du programme de chaque machine[8], par exemple pour un successeur au Gamma 3, qui fait défaut lors de "l'offensive des petits ordinateurs de gestion IBM et Univac", ce qui l'oblige à vendre précipitamment une machine américaine de licence RCA[8]. De plus, en "refusant à plusieurs reprises" de s'intéresser aux applications militaires, avant l'achèvement de ce Gamma 60, Bull avait découragé les clients potentiels de l'armée, qui se sont tournés vers IBM, selon l'ingénieur général Henri Boucher, qui était alors impliqué dans ces contrats[7].

Une affaire de priorités financières

Depuis 1948, l'année qui le voit pour la première fois dépasser IBM sur le marché français[8], Bull est coté en Bourse, afin d'assurer le début de son expansion internationale, qui est en grande partie motivée par des raisons financières[8], car dans les pays étrangers Bull n'a pas à louer ses produits aux clients comme en France et donc pas à financer leur propriété : la location est assurée par des filiales qui doivent acheter comptant les machines à la maison mère et de ce fait Bull fait son maximum pour accroître le ratio vente/location dans son chiffre d'affaires[8], quitte à créer ou partager des filiales étrangères non rentables[8]. Ainsi, au cours de la quinzaine d'années qui suit, l'exportation a assuré 42 % de ses ventes en moyenne, en partie grâce au soutien du ministère de l'Industrie, via des mesures contre la concurrence américaine et le Fonds de stabilisation[8], à la demande du directeur général, Georges Vieillard, président de la Chambre syndicale des fabricants de machines de bureau de 1936 à 1956[8]. Bull fabriquait pourtant presque tout son matériel en France alors que les filiales d'IBM hors des États-Unis, pas forcément plus nombreuses, mais en moyenne plus grosses, comportent souvent une usine[8]. En 1964, le constructeur français détenait dix usines, dont neuf en France, et sept qui fermeront en 1965-1966, mais employait aussi 4000 salariés à l'étranger, le quart de son effectif total, via un réseau commercial implanté dans 42 pays[8]. Ainsi, en octobre 1962, Mitsubishi Shoji Kaisha acquiert un Gamma 60, puis des Gamma 10, avec l'exclusivité de la vente du matériel Bull au Japon et des ingénieurs et techniciens à disposition dans l'archipel[8].

L'évolution technologique, plus gourmande en composants pointus, qui génère le boom de l'électronique de 1961, accentue cette contrainte financière : en 1960, mettre en location un gros ordinateur Gamma 60 immobilise environ 2,5 millions de francs[8], ce qui impose à nouveau la location comme la seule formule commerciale acceptable par la plupart des clients[8]. En 1963, Bull est déjà à court d'argent frais et s'associe à Paribas pour créer "Locabull", société de leasing permettant, en France aussi cette fois, de réduire le "fardeau financier de la location"[8].

Dès 1963 aussi, l'échec du gros ordinateur Gamma 60 se fait sentir partout : les filiales étrangères sont globalement en perte de 18 millions, près d'un dixième de leurs ventes[8] et leur repli est spectaculaire : entre 1959 et 1963, Bull passe de 40 % du marché européen[9] à 10%[10], et d'un tiers du marché français à[8]. En 1960, les filiales belge, néerlandaise, italienne, suisse, brésilienne versaient encore des dividendes, mais les anglaise, américaine et japonaise étaient "lourdement déficitaires"[8]. L'allemande sera la plus critiquée, en raison de 9 millions de francs de pertes en 1963, un quart de son chiffre d'affaires[8], et un important associé local, Wanderer Werke AG, adepte de la stratégie "plus immédiatement profitable": peu d'embauches de personnel qualifié, vendre plutôt que louer, et de préférence des ordinateurs requérant peu de maintenance et de pièces détachées[8]. Bull doit assumer la désaffection prévisible de sa clientèle et la stabiliser en montant à trois-quart du capital de sa filiale et 30 % de Wanderer Werke AG[8].

Une affaire boursière et politique

L'action Bull, qui avait atteint 1 380 francs en 1960[11] après 130 francs en 1958[12], chute à 150 francs lors du krach[13] succédant à la « Tronics mania »[14].

Bull est trop faible par rapport aux gros besoins de clients comme la Marine nationale ou l'EDF. Quand cette dernière restitue sa machine le titre Bull retombe même à moins de 100 francs, le seul à avoir "fait fortune à cette occasion" est l'ingénieur Philippe Dreyfus[7], directeur du Centre national de calcul électronique de la société Bull dans les années 1950.

Pendant quatre ans, Bull avait concentré "l'essentiel de ses ressources intellectuelles au Gamma 60[7], scruté et suivi par la Bourse, en oubliant les autres "réalités du marché"[7], en particulier "l'initiative suivante d'IBM", l'ordinateur IBM 1401, un autre marché, plus sûr, où le constructeur français est cependant écrasé aussi y compris chez ses « chasses gardées » commerciales[15] tandis que "toutes les commandes de grosses machines" du secteur public français le plus consommateur (EDF, CEA, INSEE) sont aussi emportées par IBM de 1960 à 1964[7].

Le PDG Joseph Callies rencontre le ministre des finances Valéry Giscard d'Estaing le [16] pour demander une recapitalisation par l'américain General Electric (GE) ou une garantie par l'État des emprunts[17]. L'État n'accorde que la seconde, mais à hauteur de vingt fois les 35 millions de francs apportés par la banque Paribas, en complément de 35 millions de francs apportés par un trio d'actionnaires français (Compagnie générale des eaux, CSF et Caisse des dépôts), qui font évaluer l'action à 50 francs, alors que General Electric en avait proposé 200 francs. Le , ils signent le protocole de la solution « dite française »[17], mais n'obtiendront finalement que 51 % du capital[18], le reste revenant à General Electric, démarché par Georges Vieillard, pour qui la « solution française » est une extinction[17]. GE garde le haut de gamme et confie à Bull la gamme moyenne. Le bas de gamme, hors informatique, revient à Olivetti.

Une affaire qui dure neuf ans

L'épisode génère pour Bull des bénéfices extrêment réduits pendant trois ans, malgré un lourd investissement, puis des pertes massives, pendant six années de suite, se creusant jusqu'à 28% des ventes dès 1963 pour revenir à 8% en 1964, avant une rechute dramatique en 1965 qui voit Bull afficher une perte nette de la moitié de ses ventes[19]. Entre 1960 et 1964, la plupart des clients publics dits "techniques" car consommateurs d'électroniques (EDF, PTT) se détournent de Bull et passent à IBM[7]. Et en deux ans, l'effectif de Bull chute de 2500 personnes[20], malgré la croissance du marché.

C'est "l'une des plus grandes catastrophes de toute l'histoire économique française", selon l'historien Pierre-Éric Mounier-Kuhn[8]. La sortie de General Electric du marché, après le sauvetage de Bull en 1964, est anticipée par tous les acteurs et elle se produit finalement en 1970. Evolution des effectifs, ventes, et pertes de Bull entre 1960 et 1968:

Année Salariés[20] Chiffre d'affaires[20] Bénéfice ou perte[20] en % des ventes[20]
1960 13 464 202 millions 7 millions 3,5% des ventes
1961 16 445 287 millions 8 millions 2,6% des ventes
1962 16 343 345 millions 2 millions 0,6% des ventes
1963 16 983 461 millions moins 128 millions 28% des ventes
1964 15 665 458 millions moins 37 millions 8% des ventes
1965 14 423 502 millions moins 248 millions 49,4% des ventes
1966 15 097 558 millions moins 114 millions 20,4% des ventes
1967 12 476 582 millions moins 85 millions 14,6% des ventes
1968 12 545 791 millions moins 65 millions 8,2% des ventes

Solution au conflit d'intérêt entre armée et industriels

L'Armée se montre inquiète, dès 1963, de la difficulté française à maîtriser la forte accélération, depuis la bulle de la période 1958-1961, des progrès dans l'électronique aux USA[7], d'autres pays européens vivant le même problème. Environ 12000 calculateurs électroniques sont en service aux États-Unis dès juillet 1963, contre seulement 750 en Allemagne, 400 en France, 300 en Italie, et 200 au Benelux[1]. Et c'est seulement 500 en Grande-Bretagne, où le gouvernement travailliste d'Harold Wilson décidera dès 1965 une forme de plan calcul.

Pourtant, au début des années 60, la France a créé en 1962 le Centre national d'études spatiales et l'Armée française, stimulée par la pépinière de talents constituée des scientifiques du contingent[21] est "dans l’attente d’armements nucléaires dont l’étude avait été entreprise avec vigueur par le Commissariat à l'Énergie Atomique"[21], au moment où les États-Unis, "aiguillonnés par la concurrence de l’Union soviétique dans la course à l’espace" créent "une organisation nationale de la circulation de l’information scientifique et technique"[21]", prônée par le Rapport Weinberg", dévoilé le 10 janvier 1963 par John Fitzgerald Kennedy[22],[21]. Demandeuse de calcul scientifique pour les simulations et modélisations de ses futurs armes et engins[7], elle a réuni dès 1961 ses experts dans une Délégation ministérielle pour l'armement (DMA), pour s'ouvrir "aux technologies les plus avancées" suivie d'une Direction des recherches et moyens d'essais (DRME), "conçue dès ses origines comme un carrefour" entre "officiers des trois Armées"[23].

En décembre 1963, l'Ingénieur en Chef Carpentier, de la DRME créé un groupe informel de travail sur les besoins de l'informatique de défense (ID) qui devient officiel en mai, avec la mission d proposer un plan à cinq ans[7], qu'il remet au gouvernement le 12 août 1964: il propose de réaliser pour 1968 un ordinateur civil puissant et polyvalent, pouvant être ensuite militarisé[7]. Deux mois après les industriels sont invités à faire leurs propres propositions puis réunis le 13 novembre 1964 pour en discuter [7]. En janvier 65, ces industriels rendent leur propositions: CSF et CGE refusent à la pression de l'Armée pour fusionner. Ils préfèrent regrouper des apports dans une une filiale commune, la CITEC[7] car leurs stratégies "sont loin d'être homogènes"[3]. "L'étude CITEC" doit présenter un projet d'ordinateur plus puissant, efficace et polyvalent que l'offre existante, comme l'ont réclamé les militaires en proposant l'horizon 1968[7]. La réponse des industriels dit que la SETI doit y participer, "en présentant une architecture propre mais en adoptant les solutions CITEC pour la technologie et les périphériques"[7]. Il est prévu la Société d'électronique et d'automatisme (SEA) "coopérera" avec une filiale de Philips "pour les composants"[7], et avec Lignes télégraphiques et téléphoniques (LTT), qui a des usines en Bretagne, et la Compagnie des compteurs pour les périphériques[7].

L'armée leur met alors plus de pression, en expédiant en mai 1965 sept experts pour une mission de 25 jours aux États-Unis, qui à leur retour invitent les "ingénieurs de tous les ministères techniques"[7] pour un show dramatisant la nécéssité de s'adapter aux évolutions technologiques rapides aux USA. Peu après, Maurice Ponte (CSF), Roger Gaspard (Schneider) et Ambroise Roux (CGE), renvoient la balle dans le camp des pouvoirs publics lettre du 13 juillet 1965 à François-Xavier Ortoli, commissaire au Plan

Entre-temps, De Gaulle a accepté le qu'un "comité restreint" de 4 personnalités se chargent d'un rapport Saint-Geours[24] sur les aides de l'Etat et le "développement industriel de l'invention"[25], remis en juin et qui demande un Plan Calcul. Marcel Boiteux, directeur des études d'EDF, fait valoir les besoins du civil et en septembre le ministère de la Défense est dessaisi du processus, le groupe de travail civile[7], Marcel Boiteux (EDF) préside la 1ère réunion le et s'appuyant sur le rapport Saint-Geours pour placer "l'informatique au même niveau d'importance que l'atome, l'aviation et l'espace"[7]. Dans la foulée, en janvier 1966, Michel Debré, chaud partisan d'un "Plan Calcul", remplace aux finances Valéry Giscard d'Estaing[24] et le 4 février 1966 François-Henri Raymond, cofondateur et patron de la société d'informatique la plus innovante rédige une note dessinant ce plan[24], tandis que le 10 février un appel de 150 élèves de grandes écoles européennes déplore que l'Europe "décroche" de la nouvelle société industrielle qui nait aux USA "à grand renfort de cerveaux électroniques"[26].

Le , Le Monde révèle une étude[27] pour "créer" en France "une industrie de calculatrices électroniques" et un centre de recherches spécialement dédié à "informatique et d'automatisme", le futur laboratoire public IRIA[28]. Ce projet, avalisé par trois constructeurs privés[28], semble cependant soutenir, plutôt que des machines scientifiques ou de gestion, celles "aptes à diriger les processus industriels"[28], pour évoluer vers "des machines de petite taille"[28].

Ce projet reflète un compromis trouvé lors de son élaboration, entre puissance publique et industriels privés, où la première semble peiner à faire reconnaitre ses besoins d'avenir en calcul scientifique, pour l'EDF comme pour l'armée, et la nécessaire complémentarité entre petites machines et gros calculateurs. Au même moment, l'hémorragie d'informaticiens qui doivent quitter Bull<[19] alors qu'ils sont en pénurie ailleurs[19] contribue à l'espoir de développer, sans Bull[19], une gamme d'ordinateurs au système d'exploitation assez puissant pour combiner informatique de gestion et calcul scientifique, y compris pour piloter et sécuriser l'automatisation industrielle.

Le 19 avril, François-Henri Raymond demande à rencontrer Charles De Gaulle [29], après avoir déjà, en février, milité auprès d'Ortoli pour une gamme de machines polyvalentes modernes, capables d'alterner gestion, calcul et direction de processus industriels. Lors son entrevue du 18 juillet avec le président de la République, il le met en garde contre une fusion des fournisseurs mais ne sera finalement suivi que partiellement.

Solution au conflit d'intérêt entre EDF et les PTT

Au début et au milieu des années 1960, l'administration des PTT n'a pas des besoins aussi poussés et aussi exigeants qu'EDF en matière de sécurité. Le réseau téléphonique, peu développé, pas encore prioritaire, est lui un marché captif de fournisseurs français. Les chercheurs et dirigeants des PTT, ainsi que leurs fournisseurs, savent aussi qu'une interconnexion des calculateurs et ordinateurs, telle que l'envisage le Plan calcul, est de nature à concurrencer un jour leur leur réseau.

Directeur des études économiques d'EDF depuis 1958[30], Marcel Boiteux est nommé directeur général de l’entreprise en 1967 et il préside depuis 1965 la commission qui consulte sur le Plan Calcul, puis s'appuie sur les recommandations du rapport Saint-Geours pour le réclamer.

Le CEA puis l'EDF ayant exprimé des besoins poussés, grands groupes sociétés d'électronique avaient multiplié les filiales au moment de l'affaire Bull[7], "souvent très peu rentables"[7] et "vivant de licences américaines ou même de simple importation"[7], sans innover, alors que l'électricien est un gros consommateur de calcul informatique, qui s'est démocratisé aux USA, et soucieux depuis des années de planifier une diversité minimum de fournisseurs sur le long terme.

EDF a comme les militaires besoin d'une offre réalisant des économies d'échelle, pas trop compliquée à utiliser sur des sites variés. L'électricien est dans le nucléaire passé au stade industriel[7], avec la première centrale entrée en service en 1962, conformément au Plan 1957-61[7], ce qui créé un "énorme usage d'automatismes et de calculateurs temps réel"[7], tandis que "la direction industrielle du CEA" est "supprimée" et qu'émerge "un besoin de machine numérique" auquel répond d'abord Intertechnique[7].

L'EDF équipera "toutes ses centrales de multiples calculateurs", pour la sécurité et la surveillance, en particulier "autour des piles"[7]. Elle avait commandé à Bull un Gamma 3 puis un Gamma 60[7], qui devait être produit à 19 exemplaires mais plusieurs annulations obligeront Bull à réduire la voilure à 13[7]. Quand EDF restitue le sien dès 1960, déçu du produit[7], les clients découvrent que Bull "n'est plus dans la course aux grands calculateurs"[7] et toutes les commandes publiques (EDF, CEA, INSEE) sont raflées par l'américain IBM entre 1960 et 1964[7].

Depuis quelques années, le CEA consacrait de gros budgets aux calculs de physique nucléaire, avec de gros ordinateurs IBM[31], mais le superordinateur d'un nouveau concurrent, Control Data, est plus puissant et adapté. Sur fond de velléités du général de Gaulle de sortir du Commandement intégré de l’OTAN[32], les Etats-Unis ont refusé en mai 1966 de livrer deux CDC 6600[32] au CEA, à qui EDF a succédé depuis 1962 comme opérateur du programme nucl"aire français. En décembre 1964, Washington avait déjà informé la presse américaine qu'il étudiait les commandes passées du CEA de machines précédentes de Control Data, le CDC 3600, afin de vérifier qu'elles soient conformes au traité de non-prolifération des armes nucléaires. Les machines seront finalement livrées par les Américains à la branche civile du CEA après le Plan calcul.

Par ailleurs, les procès qui ont suivi deux catastrophes meurtrières rapprochées, celle de 1959 à Malpasset (423 morts) et celle de Vajont en 1963 (près de 2000 morts) créent aussi une demande de sécurité dans l'énergie hydraulique, qui se traduit un 1968 par un décret exigeant que les barrages soient équipés de systèmes d'alerte. L'années précédente a été achevé le vaste Aménagement hydraulique du Beaufortain, reliant quatre grands lacs de barrage voisins, tous les quatre en zone non glaciaire, autour de celui de Roselend, alimentant la plus grosse usines électrique de France à La Bâthie, au départ de la ligne haute tension desservant Lyon depuis les années 1920. L'universitaire Michel Jacob est chargé de créer à Grenoble le premier centre de calcul EDF délocalisé, traitant par des méthodes statistiques de l’étude des crues pour la gestion des barrages[33].

Le Système de contrôle et d'acquisition de données d'EDF dont les premières versions sont apparues dans la seconde partie des années 1960, permet pour la première fois d'actionner une commande de terrain, une vanne de centrale hydroélectrique, par exemple, depuis un centre de contrôle à distance, plutôt que par une intervention humaine présente sur site. Les notions de Contrôle industriel et de framework apparaissent pour traiter en temps réel un grand nombre de télémesures et piloter à distance des installations[34].

L'arrivée de Marcel Boiteux à la direction générale d'EDF en 1967 se traduira par une "gestion rigoureuse des moyens" informatiques et humains de la direction des études, dont il venait, et qui avait multiplié par neuf ses effectifs en vingt ans pour atteindre 1800 personnes, ceux d'EDF ne progressant que de 50% au total. Le budget recherche avait été multiplié par 30, contre 7 pour le chiffre d’affaires d'EDF, dont il atteignait 1,4%. Un choix rationnel de matériels efficaces doit permettre qu'il ne dépasse pas 2% à long terme[35].

EDF doit en particulier démarrer en 1966 des simulations d’automatisation du réglage de la tension via un "micro-réseau de la direction des études et recherches"[36]. Et en 1967 l'équipement de l’ensemble des sites, par paires pour se protéger des pannes, de "calculateurs de traitement 90-4023"[36], en vue d'adopter un système de téléconduite pour le dispatching[37], ce qui fait partie des "projets européens". Le déploiement se fera de 1967 à 1971[37].

Historique

Juillet 1963, le marché européen écrasé par les USA

En juillet 1963, environ 12000 calculateurs électroniques sont en service aux États-Unis, beaucoup plus qu'en Europe (750 en Allemagne, 500 en Grande-Bretagne, 400 en France, 300 en Italie, et 200 dans les pays du Benelux dont 120 aux Pays-Bas)[1]. Il faudrait à l'Allemagne 6000 machines et non pas 700 "pour avoir un parc comparable à celui des États-Unis", constate Le Monde[1]. Puis on apprend que l'équipement de l'Allemagne fédérale, en juillet 1964, est assuré à 70 % par les États-Unis, même si l'écart a tendance à se resserrer au premier semestre 1964: ventes en hausse de 17 % aux États-Unis et de 30 % en Europe[1].

Pays Nombre de calculateurs en 1963[1]
USA 12000
Allemagne 750
UK 500
France 400
Italie 300
Bénélux 200

En France, dans le sillage de l'Affaire Bull se créé en décembre 1963 un groupe de travail informel sur l'informatique de défense[7] qui devient officiel en 1964, tandis qu'un polytechnicien trentenaire, Hugues de l'Estoile, se voit confier un centre de prospective et d'évaluation des investissement dans la Défense, où il n'hésite pas "à se mettre à dos une partie de la hiérarchie militaire"[38].

Août 1964, propositions du groupe informel de l'Armée

Le groupe informel se voit chargé en mai 1964 de proposer un plan à cinq ans[7]. Le 12 août 1964, il préconise de mutualiser entre les constructeurs français et l'Etat le coût d'une machine polyvalente, civile au départ, puis militarisable, livrable en 1968[7], et se lance en mai 1965 dans une mission aux États-Unis pour s'informer des progrès en cours dans l'électronique de défense[7].

L'Etat demande aussi une vision sur la recherche au comité CCRST, créé en 1958, qui en mars 1965 rend un rapport plaçant "au cœur des discussions" la "décentralisation des laboratoires" et le "lien entre recherche et industrie"[32], ce qui amène l’idée début février 1966 d’un "Institut de recherche en informatique et en automatique"[32], qui puisse "largement sous-traiter ses recherches à l’extérieur", avec "une souplesse administrative" lui permettant de recruter dans l'industrie des polytechniciens et des normaliens"[32], proposition soutenue par le professeur de mathématiques Pierre Lelong.

Juin 1965, négociations entre gouvernements britanniques et français

Peu après, Le Monde du 5 juin 1965 révèle des entretiens entre gouvernements britanniques et français pour "envisager de construire en commun des calculatrices de grande puissance", alors qu'un "accord de coopération aéronautique" lie déjà les deux pays, et que diverses entreprises françaises et anglaises" ont entrepris d'explorer les possibilités d'un accord dans l'informatique[39]. Le gouvernement ayant "abandonné l'idée" de "s'appuyer sur Bull", qui rétrécit chaque année (60 licenciements en 1963, 387 en 1964 puis 500 de plus annoncés en avril 1965[40], il "est envisagé de consacrer des crédits importants" au projet franco-britannique, précise Le Monde. La même année, les Britanniques ont "jugé utile de prendre des mesures de sauvegarde et de développement" de leurs trois constructeurs", ICL, English Electric et Elliott Automation, bien qu'ils aient, eux, la primauté sur un marché britanniques "que les firmes américaines n'avaient pu dominer"[41], et ils ont obtenu une "garantie d'achat", la "création d'un laboratoire gouvernemental de l'Informatique", et une convention avec ICL. Les trois constructeurs ne fusionneront qu'en 1968[42] Upon its creation, the British government held a 10% stake in the company and provided a $32.4 million research-and-development grant spread across four years.[43], dans le cadre de l'"Industrial Expansion Act" du Premier ministre travailliste Harold Wilson, l'année où le patron de la CII propose l'alliance à ICL, la société fusionnée, qui acceptera en novembre 1970, fondant avec la CII Multinational Data, en enrôlant l'américain Control Data[44], qui doit ensuite en sortir en raison de son procès avec IBM[44], et d'une gamme ICL trop en retard et incompatible IBM [44].

Les actionnaires des sociétés concernées, plusieurs fois consultés, estiment eux que le gouvernement doit donner des indications techniques: une lettre du 13 juillet 1965 adressée à François-Xavier Ortoli, commissaire général au Plan, corédigée Maurice Ponte, PDG de la CSF depuis 1960 membre depuis 1958 du comité des 12 sages, Roger Gaspard, PDG de Schneider depuis 1960 et Ambroise Roux, directeur général de la CGE depuis 1963, mentionne qu'ils attendent "l'établissement définitif du programme technique, compte-tenu des indications du gouvernement"[45].

Octobre 1965, le ministère de la Défense déssaisi

En France, le 6 octobre 1965, le ministère de la Défense est dessaisi du groupe de réflexion créé en 1963[7], dont la mission est désormais étendue, pour inclure et privilégier l'industrie civile, en particulier le programme nucléaire civil, entré dans une phase industrielle depuis le raccordement d'une centrale fin 1962. Marcel Boiteux (EDF), préside la 1ère réunion de la nouvelle commission, qui s'appuie sur le rapport Saint-Geours pour placer "l'informatique au même niveau d'importance que l'atome"[7]. Directeur des études à l'EDF, il est élu fin décembre 1965 président du Comité consultatif de la recherche scientifique et technique (CCRST), secondé par un industriel de l'informatique, André Danzin, directeur-adjoint de CSF[46].

Juin 1965, le rapport Jean Saint-Geours

Avec l'économiste Jean Saint-Geours et Hugues de l'Estoile, tous deux ont rédigé le "rapport Jean Saint-Geours", commandé en mai 1965 et rendu un mois après par ce "comité restreint" de quatre experts[25], préconisant un "Plan Calcul"[24].

En janvier 1966, Michel Debré, chaud partisan de ce "Plan Calcul" devient ministre des finances à la place de Valéry Giscard d'Estaing[24]. Le ministre des Armées Pierre Messmer se rallie[24] et en l'informaticien François-Henri Raymond, patron de la la SEA, rédige une note dessinant le plan[24], qui convainc une semaine après le Président Charles de Gaulle et son Premier ministre Georges Pompidou de l'approuver[24], complétant le "rapport Saint-Geours" analysant comment les commandes et "actions de recherche" de l'Etat "irriguent l'appareil de production"[25] et "quelles industries en bénéficient plus ou moins"[25].

En juillet 1966, le plan est lancé par le conseil interministériel, avec finalement trois nouveaux instituts de recherche: Ifremer (océans), Anvar (valorisation de la recherche) et IRIA (informatique et automatique)[32]. Il a surtout "un volet industriel majeur"[32], prévoyant la création en décembre de la Compagnie internationale pour l’informatique (CII)[32], détenue à 56 % par le duo CSF-CGE (CGE), à 33,3 % par Schneider Electric et à 10,3 % par le groupe Rivaud, propriétaire d'Intertechnique[2]. Ces actionnaires ayant de gros contrats avec l'armée et EDF, ils ne peuvent pas trop dire non à l'Etat. La CGE d'Ambroise Roux est la moins enthousiaste depuis le début. Ces entreprises actionnaires sont historiquement concurrentes[2] mais le jeu des fusions piloté par l'Etat va renforcer la CSF, la plus intéressée car la plus investie dans les calculateurs: en , Thomson-Brandt fusionne avec elle pour créer Thomson-CSF, dirigée par Paul Richard, qui en impose Michel Barré à la tête de la CII[2].

La CII doit répondre à une grande partie de la demande intérieure française en informatique et devenir assez forte pour concurrencer sur le marché international les Américains[47],[48].

Une démarche identique a lieu en Angleterre, où le soutien du gouvernement au développement d'ordinateurs, acquis dès 1965, sera échangé contre la fusion en 1968 des trois constructeurs pour former International Computers Limited (ICL). Approchée dès 1968 par la CII, la société fusionnée, acceptera en novembre 1970 de fonder avec la CII le consortium Multinational Data, en enrôlant l'américain Control Data[44], contraint ensuite à en sortir en raison de son procès avec IBM[44], et d'une gamme ICL trop en retard et incompatible IBM [44].

En 1970, le CNET contre-attaque

En 1970, le CNET contre-attaque en lançant une "investigation", en vue d’un réseau pour les données, distinct de celui du téléphone et télex, puis en 1971 un groupe de travail baptisé Hermès, qui conçoit la "commutation par paquets" comme éventuellement à ajouter « en verrue » à la normalité selon les PTT, la "commutation par circuits"[49].

En 1968-1970, la CII prépare le consortium Unidata

L'année suivante avec le sortie imminente de son gros calculateur Iris 80, malgré la pénurie de composants, et que son Mitra 15, le mini-ordinateur le complétant se vend bien, la CII lance cette fois le consortium Unidata, pour une industrie informatique européenne, à l'identique d'Airbus dans l'aéronautique, en s'adressant cette fois à l'Allemand Siemens, auquel s'ajoute dans un second temps le néerlandais Philips, tous deux attendant la sortie de l'Iris 80, "principalement dédié au calcul scientifique"[50], qui utilise la "technologie la plus avancée de l’époque"[50], les "circuits intégrés au silicium"[50], une mémoire mémoire extensible à 4 millions d'octets[50], et une "architecture modulaire"[50] qui "autorise toutes les combinaisons simultanées de travaux (multiprogrammation et temps partagé)"[50], mais "aussi adapté à la gestion et à des applications temps réel"[50].

Dès 1968, Michel Barré, patron de la CII, avait pris l'initiative de rencontrer les dirigeants d'ICL, Siemens et Philips[51] pour une alliance internationale, l'"Airbus de l'informatique".

ICL acceptera en novembre 1970 de fonder avec la CII le consortium Multinational Data puis doit se retirer au bénéfice de Siemens, rejoint ensuite par le néerlandais Philips. Chacun des trois associés développe une partie d'un nouvelle gamme d'ordinateurs compatibles et recourant massivement aux circuits intégrés, la CII se chargeant des plus puissants et Philips des circuits intégrés.

L'informatique scientifique précédée par celle de gestion

Les deux ordinateurs qui étaient le but du Plan Calcul, l'Iris 80 et l'Mitra 15, sortent entre la mi 1971 et le début 1972. Le système d'exploitation Siris 8 et sa fonctionnalité Transiris, qui permet de les associer, a nécessité des développements longs, freinés par une double pénurie, de composants et de professionnels maitrisant la programmation et les nouveaux circuits intégrés, faute de culture en ce domaine chez Bull[8], et de formations adaptées en France: les premiers diplômés de maîtrises d'informatique ne sortent qu'en 1968, au nombre de 74 et il faut attendre juillet 1970 pour en avoir 600.

Au tout début du Plan Calcul, en 1968-1969, en l'absence de ces deux ordinateurs, une polémique accuse la CII de ne pas innover et de renoncer à l'informatique scientifique pour se contenter d'informatique de gestion[24], d'autant qu'un des actionnaires, la CGE, est réputé hostile depuis le début à la première, mais elle est rapidement démentie[24].

Maladie et décès de Georges Pompidou

Le président de la République française Georges Pompidou tombe malade au début de l'année 1974 puis décède le . Dès la découverte de sa maladie, le Plan Calcul est fragilisé et deux semaines avant son décès Jacques Chirac fait fuiter dans Le Monde qu'un Iris 80, loué par le ministère de l'intérieur sert à ficher les citoyens à leur insu[52]. Titré "Safari ou la chasse aux Français"[52], l'article explique qu'en "ordre dispersé, les départements ministériels tentent de développer à leur profit, à leur seul usage, l'informatique"[52] et révèle qu'un an plus tôt le procureur général Adolphe Touffait avait décrit devant l'Académie des sciences morales et politiques une "dynamique du système qui tend à la centralisation des fichiers" et "risque de porter gravement atteinte aux libertés"[52]. Les fichiers du cadastre, des impôts et "plus grave peut-être", du ministère du travail pourraient lui être croisés, spécule l'article, sans source identifiée[52].

Peu après Pompidou décède, Jacques Chaban-Delmas se déclare candidat[53], tout comme Christian Fouchet et Edgar Faure, ex-mentor de Valéry Giscard d'Estaing, ministre des Finances qui se présente à son tour le 8 avril. Jacques Chirac obtient du Premier ministre Pierre Messmer qu'il soit candidat aussi, avec comme condition que les quatre autres se retirent. Deux d'entre eux refusant, Giscard conditionne son retrait à celui de Chaban-Delmas, qui refuse aussi, à l'issue d'une opération organisée par Chirac pour faire apparaître comme le diviseur[53], Pierre Juillet obtenant aussi la candidature le 11 avril de Jean Royer[53], qui aggrave l'effritement lent mais progressif de Chaban-Delmas dans les sondages. Le lendemain la presse publie l'« appel des 43 » ministres et députés à un retrait de Chaban, lancé par Chirac qui la veille a rencontré Giscard pour préparer son ralliement[54]. Valéry Giscard d'Estaing, élu président dans la foulée, supprime immédiatement la Délégation générale à l'informatique[2],[55], met fin au Plan Calcul, exige la fusion entre CII et Honeywell-Bull, qui renonce unilatéralement à Unidata.

Dotation budgétaire du plan Calcul

La dotation budgétaire du plan Calcul est restée stable à environ 300 millions de francs entre 1968 et 1974. À partir de 1975, la réorganisation autour de CII-Honeywell-Bull a fait passer l'aide de l'Etat à ce secteur à 2 milliards de francs par an, près de huit fois plus. L'essentiel des subventions publiques à CII-Honeywell-Bull a été versé de 1975 à 1977, période où le Plan Calcul est abandonné, l'actionnaire Thomson réclamant des compensations pour une décision qu'il conteste. À partir de 1978, ces aides publiques vont à divers plans de croissance en péri-informatique (avec des industriels comme Logabax, Sagem, CSEE, Intertechnique/IER, Benson) et dans le domaine des logiciels, des bases de données et des usages de l'informatique.

Informatique scientifique, de gestion ou d'automatisation?

Les industriels consultés ont souhaité, pour certains cocher les trois cases, en insistant auprès de Charles de Gaulle après l'avoir fait directement, dans le cas de François-Henri Raymond, fondateur en 1948 de la Société d'électronique et d'automatisme (SEA)[29]. Pour être crédible et assurer un développement progressif et rentable, dans un marché fortement concurrentiel, il faut, dans le cadre d'une politique à long terme clairement élaborée, prendre une part significative du « marché de la gestion », lui-a-t-il répondu en juillet 1966[29]. Mais d'autres industriels consultés n'ont pas la même vision. Ils souhaitent le développement d'une informatique d'automatisation industrielle, qu'ils fournissent déjà à l'Etat, mais sans s'aventurer vers une informatique scientifique à la rentabilité jugée incertaine et éloignée. Récupérer des clients et les milliers de spécialistes qualifiés perdus par Bull dans l'informatique de gestion n'est d'abord pas leur priorité mais l'ampleur du repli de Bull dans la seconde partie des années 1960 rend pour eux l'option tentante, même si IBM, aussi sur les rangs, sait se montrer impitoyable pour éliminer la concurrence.

Bull a déjà perdu toutes les grosses commandes françaises entre 1960 et 1964 mais sa crise dure, avec six années de pertes consécutives, l'équilibre, précaire, ne revenant qu'en 1969, avec de graves rechutes, y compris après le rachat en 1964 par l'américain General Electric. Ainsi, le 30 avril 1966, il annonce des "pertes abyssales", représentant la moitié de son chiffre d'affaires, alors qu'il a déjo vend 7 de ses 9 usines, ne gardant que celles d'Angers et Belfort[7]. Dans un premier temps, la CII doit donc occuper le terrain de la gestion, en continuant, comme les trois sociétés qui ont fusionné en elle le faisaient, à construire des ordinateurs américains sous licence SDS, tout en développant à l'usine des Clayes-sous-Bois leur profonde évolution vers un ordinateur français poylvalent, au logiciel entièrement transformé[55], pour faire aussi du calcul scientifique de forte puissance, démarche annoncée dès l'automne 1969 et concrétisée début 1972, quand est livré l'Iris 80, qui, à la différence de l'Iris 50 annoncé en 1968, fonctionne en réseau, via la fonction Transiris, avec un mini-ordinateur utilisé dans l'automatisation industrielle, le Mitra 15.

La première machine qui va vraiment cocher les trois cases est ainsi ce duo, constitué du mini-ordinateur Mitra 15, immédiatement plébiscité par EDF à sa sortie à la mi-1971, et communiquant par la fonction logicielle Transiris avec l'Iris 80, sorti un semestre plus tard et "principalement dédié au calcul scientifique"[50], conçu pour performer avec une mémoire mémoire extensible à 4 millions d'octets[50], valorisée par une "architecture modulaire"[50] qui "autorise toutes les combinaisons simultanées de travaux (multiprogrammation et temps partagé)"[50]. Pour combiner fiabilité et rapidité, ainsi qu'un encombrement sans commune mesure avec ce qui caractérisait une décennie plus tôt le Gamma 30 de Bull, il utilise la "technologie la plus avancée de l’époque"[50], les "circuits intégrés au silicium"[50].

Nébuleuse des fournisseurs de l'Etat français

Face à ses fournisseurs, l'Etat français exprime parfois des voix divergentes. A la Commission à l'Informatique du ministère de l'Économie et des Finances, Noël Aucagne s’oppose ainsi à l'un des volets du projet de création d'un Comité de recherche en informatique, estimant encore « trop tôt pour mener des recherches sur la communication entre des systèmes à peine installés »[56]. Dans l'armée et chez EDF, le sourcing d'Etat est au contraire à l'époque beaucoup mûr et élaborée, avec l'habitude de faire jouer la concurrence, à un degré qui commence à être jugé excessif car il génère des coûts de complexité et un manque d'économie d'échelle.

Le ministère de l'Intérieur crée sa commission à l’informatique en janvier 1968 pour remplacer la Commission de la mécanisation des travaux comptables[56], instituée en 1950 et une circulaire de Georges Pompidou demande de généraliser à "l’ensemble des départements ministériels", la création d'une “commission de l’informatique” ayant compétence pour les achats de l’ensemble des services centraux et extérieurs[56].

La nébuleuse des fournisseurs de l'Etat français concernés s'est développée dans les années 1960, qui ont vu la montée des projets d'automatisation industrielle, en particulier chez le premier client concerné, Electricité de France, dans le sillage de la bulle spéculative sur l'électronique de 1959-1962, percée par le krach du 28 mai 1962, époque de l'invention 1958 du circuit intégré, par Robert Noyce, parti pour la startup Fairchild Semiconductor, mais aussi de l'arrivée du TX-2, conçu au MIT par Ken Olsen, fondateur de DEC en 1957, avec Georges Doriot, l'inventeur du capital-risque. La valeur de Control Data, de Seymour Cray, s'envole: trois ans après l'entrée en Bourse, par l'émission de 600 000 actions à un dollar en 1958, sa valeur grimpe à 120 dollars[57], soit 90 millions de dollars.

  • la Société d'électronique et d'automatisme (SEA), pionnière en France, travaille "essentiellement sur commandes des services techniques des Armées, d’EDF et du CNET", adossée à Schneider et Jeumont-Schneider.
  • Vers 1956, Intertechnique, équipementier Dassault, se diversifie vers les centrales nucléaires, EDF recherchant des calculateurs peu encombrants, fonde pour cela en 1958 un département automatisme, avec Jean Auricoste, venu de la SEA, et gagne l'appel d'offre "temps réel" avec le RW 300.
  • En octobre 1960[58] la même Intertechnique fonde la Compagnie européenne d'automatisme électronique (CAE), "dans le cadre du Marché commun européen"[58], avec la CSF et le groupe de défense américain Thompson Ramo Wooldridge, pour "assurer la direction et le contrôle des deux réacteurs nucléaires" qu'EDF bâtit à Chinon[58], et de ceux de la centrale thermique de Saint-Ouen[58], alors que "d'autres débouchés" se "dessinent"[58], en particulier dans la sidérurgie et les réseaux de transport d'énergie[58]. Puis la CAE assemble en France pour la gestion du dispatching d'EDF le RW 530[7] et assure "la surveillance des ruptures de gaine" dans les réacteurs EDF.
  • en juillet 1961 est lancé la SETI, contrôlée à 50% par la Compagnie des compteurs (CDC) et à 25% le constructeur américain Packard Bell, dirigée par Jean Gaudfernau, qui a quitté en 1959 la [[Société d'électronique et d'automatisme[SEA]]. La CDC aborde ainsi elle aussi l'Automatisation industrielle, à l'occasion de contrats EDF et nucléaires[7].
  • en mars 1962, la CIT présente le CITAC 210 B, "calculateur numérique universel"[59].
  • Dès juin 1962, Jeumont-Schneider fonde la CERCI, pour les systèmes en temps réel, en application de l'accord de la SEA en 1959 pour réaliser une unité de production du CAB 500 dans l'usine Jeumont-Schneider de Puteaux[60]. Elle « va grossir jusqu'en 1967 », quand lui est confié tout le process control de Jeumont-Schneider, vendu aussi sous licence Westinghouse[7]. Ses automates numériques réduisent le nombre de liaisons fil à fil grâce au partenaire Sintra, société de radars créée en 1948 avec des personnels du Laboratoire radioélectrique[7] et le financier d'origine grecque Heraclios Fyssenzidis[7], qui s'est suicidé en 1967, entrainant la dispersion de ses cadres[7].
  • 1963: EDF confie un groupe de recherche opérationnelle à Jean-Claude Arinal (IDN 1961 et docteur en mathématiques appliquées)[61],[62];
  • en 1965, Alcatel lance son 2412, calculateur industriel à logiciel dédié et circuits issus des travaux pour EDF[7], mais rapidement abandonné en raison d'un accord avec la CII[7], qui en échange laisse à Alcatel les mains libres en matière de machines-outils à commande numérique (1500 vendues en France, et 2000 en URSS)[7]. Mais en 1970, Ambroise Roux, patron de la CGE, souhaitera recentrer Alcatel "sur les techniques de l'automatisme, et surtout du téléphone" en la fusionnant avec la CIT[7].s'autocontrôle, en permanence", pour les installations industrielles les plus diverses : "centrales électriques, laminoirs, hauts fourneaux, unités de raffinage". Chez EDF, il doit assurer "le contrôle de la température régnant dans les canaux des réacteurs"[59].
  • Dès juin 1962, Jeumont-Schneider fonde Création de la CERCI, pour les systèmes en temps réel, qui « va grossir jusqu'en 1967 », quand lui est confié tout le process control de Jeumont-Schneider, vendu aussi sous licence Westinghouse[7]. Ses automates numériques réduisent le nombre de liaisons fil à fil grâce au partenaire Sintra, société de radars créée en 1948 avec des personnels du Laboratoire radioélectrique[7] et le financier d'origine grecque Heraclios Fyssenzidis[7], qui s'est suicidé en 1967, entrainant la dispersion de ses cadres[7].
  • 1963: EDF confie un groupe de recherche opérationnelle à Jean-Claude Arinal (IDN 1961 et docteur en mathématiques appliquées)[61],[62] puis prend en 1965, via Marcel Boiteux, la tête du groupe de réflexion sur l'informatique;
  • en 1965, Alcatel lance son 2412, calculateur industriel à logiciel dédié et circuits issus des travaux pour EDF[7], mais rapidement abandonné en raison d'un accord avec la CII[7], qui en échange laisse à Alcatel les mains libres en matière de machines-outils à commande numérique (1500 vendues en France, et 2000 en URSS)[7]. Mais en 1970, Ambroise Roux, patron de la CGE, souhaitera recentrer Alcatel "sur les techniques de l'automatisme, et surtout du téléphone" en la fusionnant avec la CIT[7].

Les volets composants et formation

Le Plan composants

Le plan Calcul comportait deux autres volets. D'abord un plan Composants pour parer au retard français dans les circuits intégrés, qui sera accusé de servir de béquille financière aux industriels (CGE, Thomson).

L'effort national de formation à l'informatique

Le plan Calcul comportait aussi un effort de formation à l'informatique, à la fois dans l'Éducation nationale et dans divers organismes publics ou privés[63]: création d'un ensemble de diplômes (IUT en 1967, maîtrise en 1968) et opération des « 58 lycées » en 1971 avec le Mitra 15, bien avant, une décennie plus tard, une opération différente, le plan informatique pour tous, dernier projet ambitieux du gouvernement français en informatique.

L'Institut de programmation de Paris, créé en novembre 1963, essentiellement pour la mécanographie, avec des formations pour non bacheliers d'un mois ou plus[64], voit ses effectifs exploser entre 1967 et 1969 quand il passe réellement à la programmation[64]. C'est l'ancêtre des maîtrises d'informatique, dont les premiers diplômés sortent à partir de 1968, et qui ne sont étendues, à huit universités, qu'en 1970, face à une très forte demande, dont la mise en place est préparée selon un document de 1973[64] par des "certificats de technologie, avec mention programmation" introduites dans le cadre d'une chaire d'Analyse numérique à Paris[64]. Dans la foulée, de 1969 à 1993, a existé un bac H à dominante informatique[65].

  • Nombre de diplômés des premières maîtrises d'informatique en France:
Année Nombre de diplômés[64]
1968 75
1969 174
1970 600

Depuis 1958, le docteur André Joussaume, directeur du Sanatorium universitaire Jacques Arnaud de la Fondation Santé des Etudiants de France à Bouffémont, accueillant les étudiants tuberculeux dans le Val d'Oise, y développait un projet de "formation permanente en électronique", dispensée au sein du site même[66],[67], complétée en 1965 par un second cours en électronique[66],[67], et il délivre aussi, dès 1965, des "certificats de technologie de programmation", discipline alors complètement nouvelle.

Dans quelques lycées professionnels pionniers (en pneumatique, en fluidique, en électromécanique et électronique)[64], le syndicat de l'Enseignement technique long, fusionné dans le SNES en 1966, avait dans les années 1960[64], "participé activement" à des expériences pour l'évolution des enseignements notamment pour l'automatisation industrielle[64].

Le décret du (décret n°66-27) créé les onze premiers instituts universitaires de technologie, dont la loi du 7 décembre 1966 permet la mise en place officielle en 1967, parmi lesquels une place importante est ménagée dès la rentrée suivante à une discipline nouvelle, l'informatique. Des cours sont expérimentés à la rentrée 1966 à Grenoble, mais aussi Montpellier[64], ville d'implantation d'IBM[68], et quelques mois après à Belfort et Angers, deux villes où sont installées les deux grosses usines Bull, avec un DUT Génie électrique et informatique industrielle (GEII)à Angers[69] et à [70]. François Delmas, maire de Montpellier, prend la décision d'informatiser la gestion de sa commune en 1970[71], avec l'aide de huit étudiants en informatique de cet IUT, chargés de la réalisation du fichier de population[71], en prenant avec Nîmes, Béziers et Sète des contacts "au sommet"[71], pour installer un IBM 360 au sous-sol de la nouvelle mairie en construction dans le quartier du Polygone[71], ce qui n'est "pas non plus sans rapport avec l'installation en 1965, dans le chef-lieu de l'Hérault, d'une usine" IBM, observe alors la presse[71]. Le ministère de l'intérieur installe au même moment de son côté un groupe de travail chargé d'étudier un "schéma d'automatisation des tâches communales applicable à l'échelon national"[71], avec l'ingénieur des télécommunications, Hubert, mais "faute de moyens suffisants"[71], il est rapidement "limité à la ville de Toulouse"[71], où c'est la CII qui a installé une usine en 1968. Les IUT spécialisés sont 12 en 69-70, 16 en 70-71.

Chronologie

Prémices et fondations

  •  : groupe informel de travail sur l'informatique de défense (ID) créé par l'Ingénieur en Chef Carpentier, de la DRME [7];
  • 5 mai 1964: le groupe informel devient officiel, doit faire un bilan et proposer un plan à cinq ans[7];
  • 12 août 1964: il propose de réaliser pour 1968 une machine polyvalente, civile au départ militarisable[7];
  • 14 octobre 1964: convocation aux industriels pour les consulter[7];
  • 13 novembre 1964: les industriel consultés se réunissent pour un briefing[7];
  • fin décembre 1964: selon la presse américaine, Washington étudie l'éventuelle interdiction d'une vente à la division militaire du CEA, qui veut remplacer son Gamma 60 par un Control Data 3600, que Sud-Aviation et la Société d'informatique appliquée utilisent déjà[72];
  • janvier 65: les industriels rendent leur propositions, CSF et CGE ont décidé de regrouper leurs apports en une filiale commune, la CITEC[7]. Mais ce n'est pas une fusion. Cette la CITEC créée sous pression extérieure de l'Armée est plutôt un regroupement dont les stratégies sont loin d'être homogènes[3];
  •  : rapport du CCRST[24];
  • : mission de 25 jours aux États-Unis de 7 experts du groupe ID[7];
  • : De Gaulle reçoit le "comité restreint" chargé du rapport Saint-Geours[24] sur les aides de l'Etat et le "développement industriel de l'invention"[25];
  • : le rapport Saint-Geours du "comité restreint" demande un Plan Calcul;
  • 1er juillet 1965: réunion d'information du groupe ID revenant des Etats-Unis, invitant les "ingénieurs de tous les ministères techniques"[7];
  • 13 juillet 1965: lettre à François-Xavier Ortoli, corédigée Maurice Ponte (CSF), Roger Gaspard (Schneider) et Ambroise Roux (CGE), renvoyant la balle dans son camp;
  • rentrée 65: création du Centre de calcul scientifique de l'armement[7];
  •  : le ministère de la Défense dessaisi du groupe ID[7], qui devient un groupe d'informatique civile[7];
  • : Marcel Boiteux (EDF) préside la 1ère réunion, qui s'appuie sur le rapport Saint-Geours pour placer "l'informatique au même niveau d'importance que l'atome"[7];
  • janvier 1966, Michel Debré, chaud partisan d'un "Plan Calcul", remplace aux finances Valéry Giscard d'Estaing[24]. Pierre Messmer (Défense) se rallie;
  • 7 janvier 1966: décret créant les 11 premiers IUT, dont plusieurs, dès la rentrée, d'informatique;
  • : François-Henri Raymond rédige une note dessinant le plan[24];
  • : 150 élèves de grandes écoles européennes estiment que l'Europe "décroche" de la nouvelle société industrielle qui nait aux USA "à grand renfort de cerveaux électroniques"[26];
  • mi-février 1966: François-Henri Raymond convainc Charles de Gaulle puis Georges Pompidou sur "le principe"[24];
  • : François-Henri Raymond rencontre François-Xavier Ortoli[29], milite pour que l'informatique de gestion fasse partie du projet [29];
  • : Le Monde révèle que le projet inclue un futur Inria mais semble écarter le calcul scientifique et la gestion[28];
  • 19 avril 1966: lettre de François-Henri Raymond demandant à rencontrer Charles De Gaulle [29];
  •  : Bull-GE annonce des pertes 1965 abyssales[7], la moitié d'un chiffre d'affaires de 502 millions de francs[73], et vend plusieurs usines, ne garde qu'Angers et Belfort[7];
  •  : deux superordinateurs Control Data 6600 destiné au CEA sont bloqués aux Etats-Unis selon Le Monde [24],[74];
  •  : l'Assemblée nationale vote le rapport "plan Calcul" d' Ortoli[7];
  • 18 juillet 1966 : François-Henri Raymond, en RV avec de Gaulle, le met en garde contre une fusion [29];
  •  : rapport Ortoli précisant les objectifs du plan;
  •  : Robert Galley, patron de l'usine de Pierrelatte[7], nommé délégué à l'informatique auprès du Premier ministre;
  • 1966 : la SPERAC (Systèmes et périphériques associés aux calculateurs) est créée par Thomson et la CDC;
  •  : création de l'IRIA, futur INRIA;
  •  : la CII créée, fusionnant la CAE (Tomson, CSF et CGE) à la SEA (Jeumont-Schneider) et la SETI (CDC);
  • 1967 : installation de la CII à Louveciennes, sur l'ex-site de l'OTAN[7];
  • octobre 1967 : création du Leti à partir du CEA Grenoble;
  •  : annonce du premier plan Calcul, pour 5 ans.

Premier plan Calcul

Deuxième plan Calcul

Suites

Historiographie

La thèse d'un Plan calcul motivé par le refus du gouvernement américain d’autoriser Control Data à exporter un supercalculateur destiné au programme français d’armement nucléaire, reprise en 1993 par Jean-Pierre Brulé, a été pour la première fois évoquée dans la thèse de doctorat[82] de Pierre Gadonneix de janvier 1975, qui sera présenté lors de sa nomination à la tête d'EDF en 2005 par Jacques Chirac, avec la mission de privatiser, comme une "critique virulente du Plan calcul"[83] et comme ayant "impressionné" le ministre de l'époque Michel d'Ornano au point de lui offrir un poste de conseiller. Mais les autres auteurs de l'époque citent d'autres motifs au Plan Calcul.

Critiques des giscardiens

En février 1999, un court éditorial du cahier Multimédia Monde affirme que le coût pour le "contribuable français" du "plan calcul lancé en 1966, et autres gabegies" a été estimé "récemment à plus de 40 milliards de francs par une commission du Sénat"[84]. Il s'agit en fait d'un rapport vieux d'un an et alors pas consultable en ligne, du sénateur chiraquien du Rhône René Trégouët[85], qui reprend quasiment à chaque paragraphe, en le citant neuf fois; le livre publié en 1993 par Jean-Pierre Brulé[86], qui a dirigé Bull, comme concurrent de la CII de 1967 à 1975 puis comme son acquéreur de 1976 à 1982. Tant ce livre que le rapport sénatorial ne parlent jamais de 40 milliards pour pour le Plan Calcul, l'essentiel du montant se référant à des des dépenses effectuées entre 1974 et 1992, et dans bien d'autres secteurs que l'informatique. Selon Jean-Pierre Brulé, aucun représentant du secteur privé n'a été associé à la préparation du plan et la DGI ne comprenait aucun informaticien professionnel. Son livre pose la question d'une volonté de faire disparaître Bull lors du lancement du Plan Calcul. Le polytecnicien Jean Carteron, qui a travaillé à la direction des étude D'EDF de 1953 à 1962 avant de rejoindre un consultant travaillant pour Bull [87] puis Sema Group et de fonder Steria en 1969, estime qu'il il aurait fallu bâtir, non pas avec CII, mais à partir de Bull, dans son ouvrage de 1999[88] en raison de sa part de marché. Mais l'absence de Bull au Plan Calcul, s'explique selon l'historien Pierre-Éric Mounier-Kuhn[89] par ses actionnaires, la famille Caillies, des papetiers auvergnats éloigné des réseaux gaullistes, bien représentés à la Délégation générale à l'informatique#Délégation à l'informatique et diversifiés dans les fiches cartonnées pour la mécanographie, qui pesait encore un tiers des ventes de Bull en 1967, année qui voit l'effectifs chuter de 2600 salariés, malgré un marché en forte accélération, le repreneur General Electric ayant fermé 7 des 9 usines françaises, puis sortant de l'informatique dès 1970, après des années de culture d’entreprise Bull « peu sensible à la recherche en programmation et à ses relations scientifiques »[89], et "freinant les transferts de technologies" venant des États-Unis, notamment ceux vers le temps réel et le logiciel[89].

Critique d'Henri Boucher

Les points forts et points faibles du Plan calcul ont été analysés dans un document publié en 2011 sur le site de l'associationAconit par Henri Boucher, ingénieur général de l'armement, membre du service Technique des constructions navales pour la Marine nationale, qui l'a détaché en 1967 comme directeur d'études à l'IRIA, après avoir été au début des années 1960, au moment de l'Affaire Bull, l'un des piliers du groupe de réflexion qui a précédé le Plan Calcul. La critique par Henri Boucher du Plan Calcul porte sur le rôle joué par les sociétés actionnaires et leurs priorités[7].

Contribution de François-Henri Raymond

En février 1983, un article de journal affirme que François-Henri Raymond, fondateur en 1948 de la Société d'électronique et d'automatisme (SEA) qui construit les premiers ordinateurs français, a participé de manière individuelle à la réflexion sur la création du Plan Calcul, en faisant jouer ses relations familiales[90], accréditant l'idée que les autres industriels n'ont pas été consultés et que lui-même était opposé au projet, mais ce dernier a démenti dès le 1er mai 1983, via un entretien à Interfaces, bulletin mensuel de l'Association française pour la cybernétique économique et technique, à la circulation plus réduite, qu'il rappelera en 1988 lors d'un Colloque sur l'Histoire de l'Informatique en France[29], en produisant une lettre du 19 avril 1966 attestant de sa version[29]. Le livre "French ordinateurs" publié en 1976 avait au contraire affirmé que c'était François-Henri Raymond qui avait convaincu Charles de Gaulle puis Georges Pompidou sur "le principe" du plan mi-février 1966, peu après avoir convaincu Michel Debré, en oubliant de préciser qu'il s'agissait d'une note et de mentionner tout le processus de consultation par l'Etat des autres industriels et la prise en compte de leurs souhaits malgré le conflit d'intérêt avec l'Armée[24] ou encore la lettre de François-Henri Raymond du 19 avril 1966, demandant à rencontrer Charles De Gaulle.

François-Henri Raymond avait d'abord obtenu un rendez-vous avec François-Xavier Ortoli le 22 février 1966. Selon le compte rendu rédigé le surlendemain, il lui a rappelé ses deux notes remises à Michel Debré, l'une sur les leçons de l'Affaire Bull et l'autre résumant le point de vue de la SEA sur le projet de Plan calcul[29]. François-Xavier Ortoli lui a alors longuement répondu qu'il ne "croit pas à la création d'une grande industrie en rassemblant les uns et les autres" et invoqué le "manque de détermination des industriels"[29]. François-Henri Raymond l'informe que les relations entre la CITEC et la SEA "n'exîstent pas"[29], les rapports Expeli et de Marcel Boiteux n'ayant pas été reçus par cette dernière[29], alors que dès octobre 1965, el1es étaient corollaire des deux rapports rédigés Ambroise Roux et Roger Gaspard, ex-PDG d'EDF devenu en 1966 celui du groupe Schneider[29].

En insistant auprès du Colonel Auffray, conseiller au cabinet militaire, comme en atteste une lettre du 19 avril 1966[29], François-Henri Raymond obtient ensuite d'être le 18 juillet 1966, l'interlocuteur direct de Charles de Gaulle, qui lui a résumé les préoccupations entendues, à l'issue d'un entretien de trois quarts d’heure[91],[92], sur les enjeux qui justifient une politique nationale[93]. Mais ensuite, le président de la République ne les respecte pas et s'enferre dans une "logique d'arsenal", en fusionnant trois sociétés privées fournissant l'Etat, suivant "le réflexe naturel des ministères", consistant à résoudre un problème industriel, par l'incitation "à fusionner sans trop se soucier d’assortir les partenaires que l’on marie"[93], ce qui fait absorber la SEA (850 salariés, 650 brevets) par la CAE, beaucoup plus grosse et filiale de CGE et de Thomson-CSF, qui ne partage pas sa philosophie avant-gardiste, préférant exploiter des licences américaines[93].

La réhabilitation commence au millénaire suivant, dès l'éclatement de la bulle internet en 2000, année où le livre « L’imposture informatique » estime que le minitel fut "un enfant naturel du plan calcul"[94], dont l'abandon a marqué un "choc frontal entre deux conceptions : celle gaullienne de la prédominance de l’État dans les « grands chantiers du pays » dont l’informatique fait partie, et celle anglo-saxonne du tout libéral, où le privé a tout pouvoir, ce qui a engendré les GAFA"[94]. Les "mêmes puissances qui ont étouffé la micro-informatique" un quart de siècle plus tôt, menacent aujourd'hui de "confisquer" les ordinateurs modernes et Internet, déplorent les coauteurs, le journaliste de télévision François de Closets, et Bruno Lussato, professeur au CNAM. Dès 1973, ce dernier avait annoncé l'avènement du micro-ordinateur et combattu "les tenants des grandes organisations inhumaines"[95],[96].

Le quotidien économique Les Echos observe en juillet 2003 que des "rameaux plantés au moment du Plan calcul ont pu "prospérer", en citant "l'industrie du logiciel, l'Inria et le groupe franco-italien STMicroelectronics qui vient de se hisser au troisième rang mondial dans le secteur stratégique des composants électroniques"[97] et analyse les causes politiques de la "longue descente aux enfers" des successeurs de la CII[97], après le tournant de 1974: "lorsque Thomson a osé prétendre venir sur le très rentable marché d'Etat de la commutation téléphonique, chasse gardée de la CGE, celle-ci, en rétorsion, s'est lancée dans une entreprise de déstabilisation de la CII par tous les moyens"[97] en particulier quand l'état de santé de Pompidou a permis "toutes les manoeuvres auprès des pouvoirs publics"[97]. Le quotidien économique découvre alors que des "aides et garanties pluriannuelles bien supérieures à celles de CII" furent ensuite "consenties à CII-Honeywell-Bull"[97], en plus d'un "accord très avantageux" pour sa maison-mère Honeywell car l'Etat négociait "en position de demandeur" contesté[97], tandis que la CGE, "pourtant engagée à reprendre le leadership en informatique", s'en est ensuite rapidement "défaussée" dès qu'elle l'a pu"[97].

Notes et références

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  84. "Ces irréductibles Gaulois". Article d'Olivier Zilbertin le 10 février 1999, dans Le Monde [56]
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  87. "Steria : 30 ans de création continue", fiche de lecture par Noël TALAGRAND, en Janvier 2000 dans La Jaune et la Rouge, magazine des alumni de Polytechnique [58]
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  91. "Qui a voulu effacer Alice Recoque ? Sur les traces d’une pionnière oubliée de l’IA" par Pierre Paradinas le 3 mai 2024 [60]
  92. Marion Carré, Qui a voulu effacer Alice Recoque ?, Fayard, (ISBN 978-2-213-72659-5)
  93. a b et c Mounier-Kuhn, Pierre-É. « Du radar naval à l’informatique : François-Henri Raymond (1914-2000) ». Les archives de l’invention, édité par Marie-Sophie Corcy et al., Presses universitaires du Midi, 2006, [[61]]
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Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Jacques Jublin, Jean-Michel Quatrepoint et Danielle Arnaud, French ordinateurs : de l'affaire Bull à l'assassinat du plan Calcul, éditions Alain Moreau, . Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • Eric Leboucher et Jean-Hervé Lorenzi, Mémoires volées : Et demain la France, éditions Ramsay, . Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • Jean-Pierre Brulé, L'Informatique malade de l'État, Les belles lettres, . Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • Code Source, la revue des 40 ans de l'INRIA no 9 Un nouveau paysage politique de l'informatique en France (5 mars 2007)
  • P.-E. Mounier-Kuhn, CNRS, « French Computer Manufacturers and the Component Industry, 1952-1972 », History and Technology, 1994, vol. 11.
  • P.-E. Mounier-Kuhn, CNRS, « Le Plan Calcul, Bull et l’industrie des composants : les contradictions d’une stratégie », Revue historique, 1995, vol. CCXC no 1, p. 123-153.

Liens externes