Pluvier argenté

Pluvialis squatarola

Le Pluvier argenté (Pluvialis squatarola) est une espèce d'oiseaux limicoles migrateurs de taille moyenne appartenant à la famille des Charadriidae.

Taxonomie

En 1758, dans la dixième édition de son Systema naturae, le naturaliste suédois Carl von Linné nomme le Pluvier argenté « Tringa squatarola »[1]. Il est aujourd'hui placé, avec trois autres pluviers, dans le genre Pluvialis créé par l'ornithologue Mathurin Jacques Brisson en 1760[2],[3]. Ce nom de genre est dérivé du latin pluvia, la pluie, car on croyait que les pluviers se réunissaient avant une pluie imminente. Le nom d'espèce squatarola est une forme latinisée du vénitien Sgatarola, utilisé pour nommer certains pluviers[4]

Il porte des noms généralement semblables à « pluvier argenté » dans l'Ancien Monde, tandis qu'il est appelé « pluvier à ventre noir » dans le Nouveau Monde[5].

Trois sous-espèces sont reconnues[3] :

  • Pluvialis squatarola squatarola (Linnaeus, 1758), nicheur dans le nord de l'Eurasie et en Alaska, hiverne en Europe de l'Ouest et du Sud, en Afrique, en Asie de l'est et du sud, en Australasie et à l'ouest de l'Amérique ;
  • Pluvialis squatarola tomkovichi (Engelmoer et Roselaar, 1998), niche sur l'île Wrangel, au nord-est de la Sibérie ;
  • Pluvialis squatarola cynosurae (Thayer et Bangs, 1914), niche au nord du Canada et hiverne le long des côtes d'Amérique du nord et du sud.

Identification

Le pluvier argenté mesure entre 27 et 30 cm de long, pour une envergure de 71 à 83 cm et un poids de 190 à 280 g — jusqu'à 380 g avant la migration. Au printemps et à l'été, de fin avril à août, les adultes ont un plumage noir et blanc contrasté : noir profond du ventre jusqu'au masque facial et blanc tacheté de noir sur le dessus, avec une longue bande blanche qui va du sourcil à l'épaule. La queue est blanche rayée de noir, le bec et les pattes sont noirs[6],[7],[8]. Il y a peu de dimorphisme sexuel. La mâle et la femelle peuvent être distingués uniquement en plumage nuptial[9]. La femelle est alors moins contrastée, les zones noires apparaissant plutôt brun sombre, avec des liserés blancs le long des plumes du ventre[8],[9].

Une mue a lieu entre mi-août et novembre, durant laquelle les adultes adoptent leur plumage hivernal, qu'ils gardent jusqu'en avril. Ils sont alors gris tacheté de brun-noir sur le dessus, avec le plastron gris clair strié de sombre et le ventre blanc. Les individus juvéniles ont un plumage similaire au plumage hivernal bien qu'un peu plus contrasté, avec les plumes du dos plus sombres et margées de blanc. Ils gardent ce plumage pendant l'année qui suit leur envol, effectuant des mues partielles au printemps et à l'automne avant d'acquérir leur premier plumage nuptial[6],[7],[8].

Espèces ressemblantes

Il y a peu de risques de confusion avec d'autres espèces en plumage nuptial[8]. Il se distingue des autres espèces du genre Pluvialis par son bec plus large et une tache noire caractéristique sur le flanc, à la base de l'aile, visible en vol[6],[7],[10]. Il peut être confondu avec le Pluvier doré, notamment les juvéniles, mais il est un peu plus grand, avec les sourcils moins marqués, le bec plus fort, le croupion blanc et la tache noire sous l'aile[8],[10].

Habitat et distribution

Carte de répartition
  • Aire de nidification
  • Voie migratoire
  • Aire d'hivernage

Aires de nidification

Le Pluvier argenté se reproduit dans les zones arctiques d'Eurasie et d'Amérique, à une latitude au-dessus de 65° nord[9], de la Mer Blanche jusqu'au détroit de Béring et de l'Alaska à la Terre de Baffin[8],. Il niche dans des zones de toundra à la végétation rase et clairsemée, délaissant les zones humides pour des endroits secs, à des altitudes assez élevées[9],[11].

Aires d'hivernage

Pour passer l'hiver, le pluvier argenté migre dans les régions côtières du monde entier, où il se regroupe sur les plages, dans les vasières, les prés-salés, les lagons et les estuaires[8],[9],[10]. Il est présent sur tous les continents excepté l'Antarctique. Il vole quasiment sans pause au-dessus de l'Asie, de l'Europe, de l'Amérique du Nord et de l'Océanie, mais peut occasionnellement se poser dans les terres si la météo l'y contraint. On l'observe alors sur les berges de très grands plans d'eau comme les Grands Lacs où il est souvent observé[6],[7],[12], ou bien les lacs suisses en mai et en septembre-octobre[13].

Sur les 247 000 individus qui empruntent la voie migratoire est-atlantique (estimation de 2004), environ 17% hivernent sur les côtes françaises, notamment en baie de Saint-Brieuc et en baie des Veys[14]. L'adoucissement du climat pourrait expliquer un déplacement global des hivernants vers l'est depuis plusieurs années. On observe en effet une diminution des effectifs en Irlande du Nord, en Grande-Bretagne et en mer des Wadden[14].

Comportement

Moins grégaire que les autres pluviers, il ne forme pas de grands groupes, évoluant plutôt de manière dispersée. Il rejoint cependant des dortoirs denses sur les reposoirs à marée haute[6],[7] et peut se mêler à d'autres limicoles, comme le Pluvier fauve, l'échasse blanche, le bécasseau maubèche ou les barges[9],[8].

Alimentation

Le Pluvier argenté se nourrit sur les plages et les estrans, en repérant généralement ses proies par la vue, grâce aux mouvements de l'eau et les traces laissées par les vers[9],[8]. Il chasse de jour comme de nuit, au rythme des marées. Comme la plupart des autres espèces de pluviers, il chasse d'une manière typique, s'immobilisant pour scruter le sol puis capturant ses proies après quelques pas rapides[9],[8]. Il est territorial pour défendre son aire de gagnage, et peut voler des proies à d'autres oiseaux, notamment des Courlis corlieu et des Huîtriers pies[9].

En hiver, il se nourrit de petits mollusques, de vers polychètes, de crustacés et d'insectes. Durant la période de reproduction, il est solitaire et cherche sa nourriture seul, ou en petits groupes n'excédant pas 30 individus[11]. Il mange alors principalement des insectes, ainsi qu'occasionnellement des plantes et des graines[9],[8].

Reproduction

Œuf de Pluvier argenté - Muséum de Toulouse

Durant la période de reproduction, qui a lieu en mai et juin, le pluvier argenté niche sur les côtes arctiques, au nord de l'Alaska, du Canada et de la Russie[6],[7]. Il construit son nid au sol, dans des zones de toundra ouvertes avec une bonne visibilité. Les nids, séparés d'au moins 400 m, sont creusés peu profondément dans le sol et garnis de petites pierres, de mousse et de lichen[8],[15]. La femelle pond quatre œufs, ou parfois seulement trois, qui seront couvés en alternance par les deux parents pendant 26 à 27 jours. Les mâles sont plus impliqués que les femelles et peuvent rester plus longtemps auprès des petits, tandis que les femelles partent les premières en migration[8],[15]. Les jeunes s'envolent au bout de 35 à 45 jours[6],[7]. Ils pourront se reproduire au bout de 2 ans, et passent souvent leurs deux premières années sur leur zone d'hivernage[6],[7],[8],[15]. Le taux de survie durant la première année est d'environ 63%[8].

Effectifs, menaces et protection

Effectifs et tendances

En 2007, la population totale était estimée entre 325 000 et 690 000 oiseaux[9]. En 2025, BirdLife International estime le nombre total d'individus matures entre 1 250 000 et 2 250 000. L'Amérique (du Nord et du Sud) comptent le plus grand nombre d'individus[11]. Le déclin sur les trois dernières générations est estimé entre 30% et 47,6% en Amérique, à 36,7% en Australie, 35% en Europe et en Afrique de l'Ouest, et jusqu'à 52% en Asie du sud-ouest et en Afrique de l'est et du sud[11].

Étant donné le déclin d'au moins 30% de sa population mondiale observé sur les trois dernières générations (environ 23 ans), le pluvier argenté est classé « vulnérable » par l'UICN[11]. Les raisons de ce déclin ne sont pas connues avec certitude, mais il pourrait être dû à la perte ou la dégradation de son habitat, les dérangements et la chasse[11].

Menaces

À l'état naturel, le renard polaire est un prédateur du Pluvier argenté, en période de reproduction[9].

Le changement climatique et la montée des eaux risquent d'impacter à long terme le Pluvier argenté, comme les autres limicoles[9],[11]. La dégradation de la voie migratoire Est-Asiatique, la plus menacée, pourrait également l'affecter. Alors qu'il migre sur des milliers de kilomètres, l'urbanisation et la surpopulation font peser une pression accrue sur les espaces naturels. De nombreuses zones humides comme les estrans sont urbanisées depuis les années 2000, ce qui réduit ses possibilités de haltes migratoires[9],[11].

Protection

Le Pluvier argenté est inscrit sur plusieurs listes de protection[11] :

Il est recensé sur 370 sites Natura 2000 en Europe. En Chine et en Corée du Sud, des programmes de protection de zones côtières ont été engagés : en 2021, la Banque asiatique de développement et BirdLife International ont mis en place la Regional Flyway Initiative pour restaurer et protéger la voie migratoire Est-Asiatique dans 10 pays[11].

Références

  1. (la) Carl von Linné, Systema Naturae per regna tria naturae, secundum classes, ordines, genera, species, cum characteribus, differentiis, synonymis, locis, Stockholm, Holmiae, (lire en ligne), p. 149
  2. Mathurin Jacques Brisson, Ornithologie, ou, Méthode Contenant la Division des Oiseaux en Ordres, Sections, Genres, Especes & leurs Variétés, vol. 1, Paris, Jean-Baptiste Bauche, , p. 46
  3. a et b (en) Frank Gill, David Donsker et Pamela C. Rasmussen, « Sandpipers, snipes, Crab-plover, coursers » Accès libre, sur IOC World Bird List v14.2, (consulté le )
  4. (en) James A. Jobling, The Helm Dictionary of Scientific Bird Names, Londres, Christopher Helm, (ISBN 978-1-4081-2501-4, lire en ligne), p. 311 et 363
  5. (en) A. F. Poole, P. Pyle, M. A. Patten et D. R. Paulson, « Black Bellied Plover » Accès payant, sur Birds of the World (consulté le )
  6. a b c d e f g et h (en) P. Hayman, J. Marchant et T. Prater, Shorebirds, Croom Helm, (ISBN 0-7099-2034-2)
  7. a b c d e f g et h (en) D. W. Snow et C. M. Perrins, The Birds of the Western Palearctic, Oxford, Oxford University Press, (ISBN 0-19-854099-X)
  8. a b c d e f g h i j k l m n et o « Pluvier argenté (Pluvialis squatarola) » Accès libre, sur Mission Migration (consulté le )
  9. a b c d e f g h i j k l m et n (en) « Species Profile and Threats Database. Pluvialis squatarola — Grey Plover » Accès libre, sur Australian Government: Department of Climate Change, Energy, the Environment and Water (consulté le )
  10. a b et c « Le pluvier argenté » Accès libre, sur Réserve naturelle de la Baie de Saint-Brieuc, (consulté le )
  11. a b c d e f g h i et j (en) BirdLife International, « Species factsheet: Grey Plover Pluvialis squatarola » Accès libre, sur datazone.birdlife.org, (consulté le )
  12. (en) M. B. Dickinson, Field Guide to the Birds of North America, National Geographic, (ISBN 0-7922-7451-2, lire en ligne)
  13. « Pluvier argenté » Accès libre, sur vogelwarte.ch (consulté le )
  14. a et b « Évolution des effectifs moyens du Pluvier argenté en baie de Saint-Brieuc pour la période 1996-2022 » Accès libre [PDF], sur Réserve de la Baie de Saint-Brieuc (consulté le )
  15. a b et c Daniel Le-Dantec, « Pluvier argenté - Pluvialis squatarola » Accès libre, sur oiseaux.net, (consulté le )
  16. « DIRECTIVE 2009/147/CE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages » Accès libre [PDF], sur inpn.mnhn.fr (consulté le )
  17. (en) « Species » Accès libre, sur Agreement on the Conservation of African-Eurasian Migratory Waterbirds (AEWA) (consulté le )

Annexes

Articles connexes

Liens externes

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