Relations d'Euler dans le triangle

Les relations d'Euler dans le triangle sont des relations entre les rayons des cercles inscrit/exinscrits et circonscrit. Leonhard Euler les a publiées en 1767 [1],[2],[3], mais elles l'avaient déjà été par William Chappie en 1746[4].

Notons qu'on désigne aussi par relation d'Euler la relation vectorielle reliant le centre de gravité, l'orthocentre et le centre du cercle circonscrit.

Énoncé des relations

Pour un triangle quelconque, on note O, I, IA les centres respectifs des cercles circonscrit, inscrit, et exinscrit dans l'angle (par exemple), et R, r, rA leurs rayons respectifs.

Les relations d'Euler s'énoncent

ce qui peut aussi s'écrire :

ou encore :

On en déduit l'inégalité d'Euler [5]:

laquelle est une égalité ssi le triangle est équilatéral [6].

Démonstrations

Première démonstration géométrique

Le calcul de la différence des puissances d'un point M par rapport à deux cercles s'exprime à partir de la projection H de M sur l'axe radical des deux cercles.

Cette démonstration utilise la propriété suivante des puissances d'un point par rapport à deux cercles[7],[8],[9]. Étant donnés deux cercles de centres O et O', et un point M se projetant en H sur l'axe radical, la différence des puissances de M par rapport aux deux cercles vérifie : .

Dans le triangle ABC, les bissectrices (BI) et (BIA) étant perpendiculaires ainsi que (CI) et (CIA), le quadrilatère BICIA est inscriptible dans un cercle de centre Ω, milieu du diamètre [IIA].

Désignons par Ω' le point d'intersection de la bissectrice issue de A avec le cercle circonscrit ; par le théorème de l'angle inscrit Ω' est le milieu de l'arc donc . Mais également, donc Ω = Ω', et Ω appartient au cercle circonscrit.

D'après la propriété ci-dessus, .

Or et , donc .

De même, .

D'après la propriété ci-dessus, .

Or et , donc .

Deuxième démonstration géométrique

Cette démonstration utilise les propriétés de l'angle inscrit et de la puissance d'un point par rapport à un cercle [10].

La droite (AI) coupe le cercle circonscrit en L. Soit M le point diamétralement opposé à L sur ce cercle.

Soit D le pied de la perpendiculaire menée de I sur (AB). C'est un point de tangence du cercle inscrit, en sorte qu'on a ID = r.

Les angles et sont égaux, puisqu'ils soutiennent le même arc capable. Les triangles rectangles IAD et LMB sont donc semblables puisqu'ils ont un angle non droit identique.

On en déduit : ID/LB = AI/LM, d'où ML × ID = AI × LB, et par conséquent : 2 R r = AI × LB.

D'autre part l'angle est le supplémentaire de l'angle , c'est donc la somme des angles et , soit la demi-somme des angles et et l'angle est la somme des angles et , soit la somme des angles et (par propriété de l'angle inscrit), soit aussi la demi-somme des angles et .

Le triangle BIL est donc isocèle, et par conséquent BL = LI, et : 2 R r = AI × LI.

Or, selon la propriété de la puissance d'un point par rapport à un cercle, puisque que I est intérieur au cercle, .

Par conséquent : , soit , ce qu'il fallait démontrer.

Note : une démonstration similaire mais plus générale puisqu'elle permet d'obtenir à la fois OI et OIA, se trouve dans[11].

Démonstration calculatoire

Le point I ayant pour coordonnées barycentriques , on a

.

D'où, en utilisant le théorème de l'angle au centre :

.

Or

, etc.,

donc

.

Comme et , on a , etc.

Donc

.

Comme , on obtient .

Si la ligne brisée partant de A se referme en trois coups.

La relation pour le cercle exinscrit s'obtient similairement en utilisant .

Problème réciproque

Étant donné un cercle de centre et de rayon , et un cercle de centre et de rayon vérifiant , existe-t-il un triangle dont les cercles circonscrit et inscrit soient et  ?

Non seulement la réponse est positive, mais d'après le porisme de Poncelet, le premier sommet du triangle peut être choisi quelconque sur [12],[9].

Notons que le cercle est intérieur au cercle car .


Voir aussi

Références

  1. (la) Leonhard Euler, « Solutio facilis problematum quorundam geometricorum difficillimorum », Novi Commentarii academiae scientiarum Petropolitanae,‎ , p. 113 (lire en ligne)
  2. (en) Gerry Leversha, G. C. Smith, « Euler and Triangle Geometry », The Mathematical Gazette, Vol. 91, No. 522,,‎ , p. 436–452 (lire en ligne)
  3. André Warusfel, Euler, les mathématiques et la vie, Vuibert, , p. 161
  4. (en) Chapple, William, « An essay on the properties of triangles inscribed in and circumscribed about two given circles », Miscellanea Curiosa Mathematica, 4,‎ , p. 123 (lire en ligne)
  5. Mohammed AASSILA, 1000 challenges mathématiques, géométrie, Ellipses, , p. 43
  6. (en) Svrtan, Dragutin; Veljan, Darko, « Non-Euclidean versions of some classical triangle inequalities », Forum Geometricorum, 12,‎ , p. 198
  7. C. Lebossé, C. Hémery, Géométrie, classe de mathématiques, programme 1962, Fernand Nathan, , p. 83
  8. Yvonne et René Sortais, La géométrie du triangle, Hermann, , p. 107
  9. a et b Yves Ladegaillerie, Géométrie affine, projective, euclidienne et anallagmatique, Ellipses, , p. 340, 341, 481
  10. Mohammed AASSILA, 1000 challenges mathématiques, géométrie, Ellipses, , p. 23 et 223
  11. Bertrand Gambier, « Relation d'Euler entre le cercle circonscrit à un triangle et les cercles tangents aux trois côtés de ce triangle », Nouvelles annales de mathématiques 4e série, tome 14,‎ , p. 366-368 (lire en ligne)
  12. Ross Honsberger, Joyaux mathématiques, vol. 2, CEDIC, , p. 68-70